Sami Aldeeb: Les soufis sont la secte la plus intolérante parmi les musulmans

Je reproduis ici une correspondance avec une lectrice française dont je tairai le nom:

La lectrice

Bonjour monsieur Aldeeb,
Un grand merci pour vos vidéos, vos brillantes recherches, votre courage et votre humour.
Je souhaiterais connaître votre point de vue au sujet de la mystique islamique, le soufisme.
Selon Eric Geoffroy, le soufisme peut être une alternative à la dérive islamiste et devenir une voie de réforme de l’Islam. Qu’en pensez-vous ?
Merci pour vos réponses.
Sincères salutations.
Note de Sami Aldeeb:
Voir sur Eric Geoffroy l’article https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ric_Geoffroy
.
Réponse de Sami Aldeeb:
Merci de votre aimable message.
Je partageais le point de vue d’Eric Geoffroy jusqu’au jour où j’ai fait la connaissance d’une institutrice algérienne licenciée en philosophie provenant d’une famille soufie.
Cette institutrice a des vues très libérales concernant l’islam, voire agnostique, pour ne pas dire athée.
Elle m’a raconté ses misères avec sa famille qui la menace d’expulsion de la maison familiale si elle ne fait pas ses prières et n’observe pas le jeûne de Ramadan. N’étant pas mariée, elle ne pouvait quitter la maison. Par conséquent, elle est contrainte de vivre une double vie. Je vous épargne les autres détails.
Elle m’affirme qu’il n’existe aucune secte dans l’islam plus intolérante que le soufisme.
Voilà donc un témoignage direct.
J’ai assisté une fois à une conférence de soufis à Lausanne, et j’ai remarqué comment ces gens savent bien vendre leur marchandise frelatée. Malheureusement c’était avant de faire la connaissance de l’amie algérienne. Autrement j’aurais posé des questions au conférencier.
Personnellement je ne connais aucun soufi musulman qui permet qu’un musulman quitte l’islam, ou que sa fille épouse un chrétien.
Merci encore de votre message et bonne journée.
.

Sami Aldeeb, Dr en droit, professeur des universités
Directeur du Centre de droit arabe et musulman: https://www.sami-aldeeb.com  
Auteur d’une édition arabe annotée du Coran et d’une traduction française, une traduction anglaise et une traduction italienne par ordre chronologique, et d’autres ouvrages

La lectrice

Merci pour votre réponse claire.
Je constate, en France notamment, un intérêt croissant pour le soufisme. Comment expliquer alors cet intérêt de l’Occident pour cet Islam qui se “vend” comme un “Islam light” ? Parce que le soufisme apparaît davantage aux yeux des occidentaux comme une philosophie ou une énième méthode de développement personnel et spirituel ?
Le discours des intellectuels comme Eric Geoffroy a de quoi séduire. Car, selon lui, on peut pratiquer le soufisme sans avoir à embrasser l’Islam. Est-ce cohérent ? Le soufisme pourrait-il devenir une voie plus pernicieuse d’incitation à la conversion ?
Je pense qu’il serait peut-être nécessaire que le “consommateur” en mal de spiritualité dispose d’un point de vue qui vienne un peu contrebalancer ce que les adeptes du soufisme tente de nous vendre… avec succès, il faut le reconnaître.
Votre approche extrêmement rigoureuse, sans langue de bois est admirable. J’ai 32 ans et je désespère de mon époque… Des personnes comme vous sont plus que nécessaires dans cet affreux paysage du “tout politiquement correct”.
Avec tous mes remerciements.

Réponse de Sami Aldeeb:

Merci de votre confiance.
Votre histoire est intéressante.
Me permettez-vous de la publier à la suite de notre correspondance sans faire mention de votre nom?
Pourquoi le soufisme inspire-t-il tant de méfiance voire de rejet de la majorité des musulmans ?
Je me rappelle d’une petite histoire: j’ai été dans une librairie à Riyadh. Le directeur de la librairie m’indiquait comment distinguer entre Ibn-Arabi (le soufi mort en 1240) et Ibn-al-Arabi (le juriste mort en 1148): Il me dit: Ibn-Arabi le soufi est sans l’article défini al-, donc un nul.
Je viens de voir chez un fameux religieux saoudien la distinction entre les deux. il qualifie Ibn-Arabi de moulhid (un déviant) ayant écrit des ouvrages pernicieux appelant à l’unicité de la création et du créateur, alors qu’Ibn-al-Arabi est un “imam notoire”.
Il s’agit donc de conflits idéologiques.
Quant à l’origine du soufisme, ses adeptes se basent sur une interprétation esotérique du Coran, en invoquant notamment le verset 57:3  – C’est lui le premier et le dernier, l’apparent et le dissimulé. Il est connaisseur de toute chose. Mais sans doute vous trouverez de nombreux écrits sur internet qui expliquent l’origine de ce courant de pensée islamique.

La lectrice

Vous pouvez relayer mon témoignage.
Dans l’espoir qu’il puisse inviter à la prudence tout ceux qui s’intérèsseraient de près comme de loin au soufisme ou toute autre mouvance en lien avec l’Islam.
J’ai lu énormément sur le soufisme, dévoré les écrits “classiques” d’Ibn Arabi, Rûmi, suivi de nombreuses conférences, parcouru avec passion les ouvrages d’Eric Geoffroy que je tiens en estime car je le crois sincère et animé d’intentions plus que louables…
J’ai été tentée par la retraite spirituelle dans le désert marocain proposée par la fondation conscience soufie…
Mais, malheureusement, ce que j’ai vécu dans cette tentative de détournement de mon “potentiel de foi” par le biais du soufisme m’a amenée à une conclusion que vous véhiculez très bien dans vos vidéos : l’Islam est une religion dangereuse et la majorité dite “pacifique” des musulmans ne semble avoir aucune espèce d’importance dans le renversement des déviances de cette religion.
Mon expérience est d’autant plus édifiante que la personne qui a voulu me soumettre aux principes les plus aliénants de l’Islam est une personne estimée, érudite, ayant fait de longues études supérieures, occupant un poste plus qu’honorable dans la fonction publique… Qui pourrait s’attendre à cela d’un esprit qu’on croit, a priori, instruit, cultivé, éclairé ?
Jusqu’à cette rencontre malheureuse, je croyais, comme beaucoup, que cet Islam véhiculé dans les médias ne concernait qu’une minorité de personnes, des esprits dérangés et d’une pauvreté intellectuelle abyssale… Pas d’amalgames, pas d’amalgames…
Eh bien non, cet Islam là existe et on ne peut pas dédramatiser, le jeter aux oubliettes, et subir les bras ballants ce qu’il engendre, même à petite échelle, sous prétexte qu’il ne serait pas représentatif d’une pseudo majorité qui n’a de modérée que les apparences de l’intégration sociale. Le problème de fond n’en reste pas moins grave : l’Islam n’autorise aucune remise en question, aucune ouverture intellectuelle et n’admet que l’adhésion et la soumission, volontaire au non, à certaines idées et certaines règles absolument abjectes.
Comment réformer ce qui est a priori est considéré comme parfait et intouchable ? C’est un pari impossible !
Par ailleurs, la triste affaire Tariq Ramadan est venue faire un lointain écho à mon histoire…
Lui qu’on tenait comme digne représentant de l’élite culturelle islamique en France…
Pas d’amalgames, pas d’amalgames ?
Moi qui prônais autrefois la plus grande “tolérance” envers toutes les croyances, force est de constater que trop de tolérance mène à l’intolérable… Et il m’aura fallu devenir musulmane pour le comprendre…
Je n’en reste pas moins une fervente croyante et je respecte toutes les convictions dès lors qu’elles n’abrogent pas la liberté individuelle et la dignité humaine…

Réponse de Sami Aldeeb:

Merci encore de votre confiance.
Permettez-moi une digression. Votre phrase:
J’ai …. parcouru avec passion les ouvrages d’Eric Geoffroy que je tiens en estime car je le crois sincère et animé d’intentions plus que louables
m’a fait sourire. À Fribourg, lorsqu’on dit de quelqu’un qu’il est sincère, cela signifie qu’il est simplet, pour ne pas dire idiot. C’est donc une insulte camouflée. Ceci n’est pas pour dénigrer Eric Geoffroy. Une simple digression.
Tout en étant chrétien, je n’ai jamais prêché le christianisme parce que je pense que la religion est une question d’aptitude personnelle. J’ai des difficultés à respirer, raison pour laquelle je ne vais pas dans le lac pour nager. Je n’admets pas que quelqu’un m’impose la nage, et je ne l’imposerai à personne. Chacun est libre de croire à ce qu’il veut, et il y a des milliers de religions dans le monde. Tout au plus, on peut leur exiger de respecter des normes de base énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ce que le soufisme ne fait pas dans la pratique, comme signalé dans l’histoire de l’Algérienne susmentionnée.
Peut-on réformer l’islam. Je le pense fermément. Mais à condition que les musulmans se plient aux normes de base énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ils seront donc en contradiction avec le Coran. Pour parler de la France, Napoléon a exigé des juifs l’abandon de leurs principes avant de leur accorder la nationalité française. Voilà ce que doit faire la France avec les musulmans (voir mes articles iciici et ici). Mais qu’en est-il des pays musulmans? Est-ce que les musulmans accepteront de le faire? En fait, ils ont le choix entre disparaître ou se réformer… ou détruire l’humanité tout entière (comme le disait le Président Al-Sissi).
Je m’arrête là et vous souhaite une bonne nuit.
PS de Sami Aldeeb:
Cet article a été reproduit par Riposte laïque, où il a été largement commenté. Je signale ici que tous les articles signés par moi-même sont en libre accès. Tout journal ou site, quelle que soit sa tendance, peut les reproduire en mentionnant la source.
Comments are closed.

Powered by WordPress. Designed by WooThemes

%d blogueurs aiment cette page :