Sami Aldeeb: Le Coran, un livre de paix?

Question: Après la tuerie de Charlie Hebdo beaucoup ont dit que ces tueurs sont des extrémistes qui n’ont rien à voir avec le Coran qui est un livre de paix.

Sami Aldeeb : Toute généralisation est fausse. Je m’explique. Le Coran est composé de 114 chapitres présentés généralement plus ou moins selon l’ordre de leur longueur, avec quelques exceptions. Mais à l’intérieur de ce Coran on distingue deux parties :

  • La partie mecquoise : elle serait “révélée” à la Mecque entre les années 610 et 622, et comporte 86 chapitres. Pendant la période mecquoise, Mahomet était un simple prédicateur, énonçant des principes moraux d’ordre général et racontant des histoires reprises de la tradition juive, chrétienne et arabe. Cette partie peut à la rigueur être qualifiée de pacifique.
  • La partie médinoise : elle serait “révélée” à Médine entre les années 622 et 632, et comporte 28 chapitres. Pendant cette période, Mahomet devient chef d’État et chef guerrier. Il se montre implacable avec les polythéistes et ne leur donne le choix qu’entre l’épée et la conversion à l’islam ; leurs idoles et leurs temples sont détruits. Quant aux monothéistes (les juifs et les chrétiens, auxquels sont assimilés les sabéens et les zoroastriens), ils ont eu le choix entre la conversion à l’islam, le paiement d’un tribut ou l’épée. Les femmes et les prisonniers sont distribués comme esclaves aux combattants musulmans, et leurs biens sont confisqués. Cette politique a été suivie pendant des siècles tant que les musulmans avaient le moyen. C’est ainsi que les musulmans ont massacré environ 80 millions d’indouistes et détruit leurs temples et leurs divinités. Ce qui constitue le plus grand génocide de l’histoire. Et aujourd’hui l’Etat islamique ne fait que suivre cette politique, citant des versets du Coran et des récits de Mahomet pour justifier leurs crimes contre les minorités chrétiennes et Yézidites. Ces derniers, étant considérés comme polythéistes, n’ont eu le choix qu’entre la conversion à l’islam ou l’épée, et leurs femmes ont été vendues comme esclaves. Les chrétiens devaient soit se convertir à l’islam, soit quitter leurs terres et leurs biens, soit se faire massacrer. Leurs églises ont fait l’objet de nombreuses destructions, et leurs biens confisqués par les musulmans, parfois des voisins, des collègues de travail ou des collègues d’étude.

La règle veut en droit musulman que les versets médinois qui entrent en contradiction avec des versets mecquois abrogent ces derniers. C’est ainsi que les versets tolérants mecquois, souvent cités par la propagande musulmane, sont caducs et remplacés par les versets médinois violents, même si les deux se trouvent toujours dans le Coran. Mais comme le Coran n’est pas publié par ordre chronologique, le lecteur passe souvent d’un verset tolérant à un verset violent et vice-versa sans savoir lequel de ces versets reste en vigueur.

Un autre problème contribue à la confusion.  Les normes islamiques peuvent être suspendues pendant des longues périodes, sans jamais disparaître. Tout dépend des forces en présence. C’est ainsi que l’esclavage et le rapt des femmes qu’on pensait disparus à tout jamais ont été réhabilités par l’Etat islamique, que ce soit en Syrie, en Irak ou en Afrique avec le groupe Boko Haram. De même les sanctions comme la lapidation, la crucifixion, l’amputation de la main du voleur, la flagellation, la mise à mort de l’apostat, normes auxquelles de nombreux pays musulmans ont renoncé, mais qui sont de nouveau réhabilitées, toujours sur la base du Coran et des récits de Mahomet. On constate le même phénomène avec la destruction des statues de Bouddha en Afghanistan et des statues assyriennes en Irak. L’Etat islamique et Boko Haram n’ont rien inventé, et ne font que se conformer aux normes islamiques, normes qui figurent dans tous les ouvrages de droit musulman classique (y compris l’ouvrage d’Ibn-Rushd, le fameux Averroès que les occidents prennent pour un philosophe éclairé!). Ces normes sont enseignées – encore aujourd’hui – dans les écoles et universités islamiques comme celles qui dépendent de l’Azhar en Egypte.

Les journalistes, les politiciens et les professeurs universitaires en Occident ferment totalement les yeux sur ces informations et répètent mensongèrement ou stupidement que ce que fait l’Etat islamique n’a rien à voir avec l’islam. Martine Brunschwig Graf, Présidente de la Commission fédérale contre le racisme, va jusqu’à dire: «J’ai lu le Coran avec des commentaires. Je n’ai pas vu le rejet des autres religions». Est-ce par ignorance ? Par crainte de la réaction des musulmans ? Par mauvaise foi ? Ou doit-elle changer de lunettes et consulter un oculiste ? Je laisse les lecteurs juger.

Question : Comment remédier à ce problème ?

Sami Aldeeb : Aujourd’hui, l’Occident est confronté à d’énormes problèmes de sécurité intérieure, notamment à cause des jeunes musulmans qui ont grandi ici et qui sont allés combattre dans les rangs de l’Etat islamique et participer à ses crimes en application du droit musulman. Qu’en sera-t-il si ces jeunes reviennent en Occident bien entraînés au maniement des armes ? Et comment faire pour que d’autres jeunes ne suivent pas leur exemple et leur voie ? D’autres questions se posent encore auxquelles les pays occidentaux doivent répondre s’ils ne veulent pas avoir une guerre civile dans leurs territoires.

Seule une remise en question en profondeur de l’islam peut contribuer à résoudre ces problèmes. On doit à cet égard ne pas perdre de vue que les musulmans sont les premières et principales victimes des normes islamiques. La critique de l’islam est donc dans leur propre intérêt avant même qu’elle ne soit dans l’intérêt des pays occidentaux. Faut-il encore que les Occidentaux sachent bien diagnostiquer le mal et aient le courage de le traiter. Pour le moment, cela malheureusement n’est pas le cas. D’où la nécessité d’alerter l’opinion publique afin de provoquer un sursaut salutaire.

A mon sens, il faut suivre l’idée du penseur soudanais Mahmoud Muhammad Taha qui a proposé de se tenir au Coran mecquois et de laisser de côté le Coran médinois, celui-ci étant la source de la violence et des normes contraires aux droits de l’homme. Mais sa position n’a pas plu aux autorités religieuses musulmanes qui ont exigé du gouvernement soudanais de le pendre en 1985.

D’autre part, il faut interdire en Suisse et dans les autres pays occidentaux la vente ou la distribution du Coran dans sa forme confuse actuelle, et exiger que le Coran soit présenté dans l’ordre chronologique afin qu’on puisse voir ce qui appartient à la période mecquoise, et ce qui appartient à la période médinoise. Et il faut indiquer sur les exemplaires qui circulent que la partie médinoise est contraire aux droits de l’homme et elle est abrogée. Ceci doit être dit et enseigné partout, y compris dans les mosquées et les universités.

Sami Aldeeb, dr en droit
Professeur des université
Centre de droit arabe et musulman, directeur
Ouvrages

Chrétien d’origine palestinienne. Citoyen suisse. Docteur en droit. Habilité à diriger des recherches (HDR). Professeur des universités (CNU-France). Responsable du droit arabe et musulman à l’Institut suisse de droit comparé (1980-2009). Professeur invité dans différentes universités en France, en Italie et en Suisse. Directeur du Centre de droit arabe et musulman. Auteur de nombreux ouvrages dont une traduction française, italienne et anglaise et une édition arabe annotée du Coran par ordre chronologique

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