Sami Aldeeb: Interview avec une journaliste sur le front “anti-islam” en Suisse

Valérie de Graffenried, du journal Le Temps, m’a écrit le message suivant:

Bonjour Monsieur,

Je suis en train de m’intéresser au front “anti-islam” en Suisse, à partir du combat d’Oskar Freysinger contre “l’islamisation rampante de la Suisse”, qu’il poursuit en multipliant certains contacts européens. Mais également en parlant de Ulrich Schlüer, Walter Wobmann ou encore David Vaucher, président du MOSCI (Mouvement suisse contre l’islamisation)

1) Avez-vous l’impression que ce front prend de l’importance en Suisse? Cela vous inquiète-t-il?

2) Que pensez-vous du combat d’Oskar Freysinger?

3) Et celui de David Vaucher et du Mosci?

Merci d’avance de prendre le temps de répondre à mes questions

Je lui ai suggéré de me téléphoner pour lui répondre oralement à ses questions. Mais comme ces questions sont délicates, j’ai exprimé le souhait de pouvoir contrôler préalablement ce qu’elle publiera de mes propos. La journaliste a accepté cette condition. L’interview a eu lieu le 14 juin et a duré presque une heure. La journaliste m’a remis pour contrôle une dizaine de lignes. J’y ai apporté quelques précisions et j’ai proposé d’y ajouter quelques lignes “pour mettre un peu de chair autour de l’os”.  Elle m’a répondu: “Désolée pour la chair, mais je vais m’en tenir à l’os. J’apporte vos précisions du début mais termine avec l’histoire du serpent. Vous n’êtes qu’un intervenant parmi plusieurs et ceux qui voudront en savoir plus liront votre blog!” Voir son article ici.

La position de la journaliste est légitime. Je me permets de rapporter ici à l’intention des lecteurs de mon blog ce que je lui ai dit si ma mémoire ne me trahit pas:

La journaliste: On assiste en Suisse à un débat “anti-islam” à partir du combat d’Oskar Freysinger contre “l’islamisation rampante de la Suisse”, qu’il poursuit en multipliant certains contacts européens. Mais également en parlant de Ulrich Schlüer, Walter Wobmann ou encore David Vaucher, président du MOSCI (Mouvement suisse contre l’islamisation). Est-ce que cette islamophobie vous inquiète?

Sami Aldeeb: L’islamophobie signifie la peur de l’islam. Ce n’est pas un mal en soi. On peut être claustrophobe, ou avoir la phobie des araignées. On a le droit d’avoir la phobie face à un phénomène qu’on craint. Mais le terme islamophobie est utilisé pour pointer un doigt accusateur contre ceux qui critiquent l’islam, un peu comme on utilise le terme anti-sémitisme contre ceux qui critiquent les juifs. Il y a donc un détournement du sens du terme islamophobie afin de stigmatiser ceux qui critiquent l’islam. Mais ceci constitue un abus de langage.

La journaliste: Mais Oskar Freysinger se défend d’être islamophobe…

Sami Aldeeb: Oskar Freysinger est un instituteur et certainement il comprend le sens du terme islamophobe qui n’est nullement négatif. On a le droit d’être islamophobe tout comme on a le droit d’être claustrophobe ou avoir la phobie des araignées. Mais évidemment le terme a pris une connotation erronée, accusatrice, stigmatisante. Il faudrait qu’Oskar Freysinger revienne au sens étymologique, non passionnel, du terme islamophobie.

La journaliste: Est-ce que ce débat autour de l’islam tel que prôné par Oskar Freysinger et autres vous inquiète?

Sami Aldeeb: En aucune manière. J’estime que les gens ont le droit de dire ce qui les effraie, en tout franchise. Je suis pour la liberté d’expression. J’invite Oskar Freysinger ainsi que Tareq et Hani Ramadan à dire le fond de leur pensée. Un proverbe irakien dit: “Lorsque deux voleurs se disputent on trouve souvent l’objet volé”. Et en occident on raisonne par “thèse, antithèse et synthèse”. On ne peut pas seulement écouter un seul point de vue. Tareq et Hani Ramadan ont le droit de s’exprimer, tout comme Oskar Freysinger. Une fois qu’on les a entendus, on peut se former une opinion personnelle. Il ne faut pas faire de la stigmatisation. Autrement les gens recourent à la dissimulation: ils pensent une chose et disent une autre par peur, et la marmite finit par exploser sans savoir pourquoi.

La journaliste: Vous partez donc du droit à la liberté d’expression. Il y a pourtant des lignes rouges?

Sami Aldeeb: Je ne défends pas la liberté d’expression pour elle-même, mais pour permettre aux gens de se forger une opinion non passionnelle. Je souhaite que chacun puisse dire ce qu’il pense sans dissimulation, sans stigmatisation. Le but n’est pas de prôner la haine. Non! Le but est de dire ce qu’on ressent face à l’islam et de pouvoir en débattre. On ne peut nier qu’il existe un problème avec l’islam, et pour parvenir à une solution de ce problème, il faut laisser aux gens le droit de s’exprimer et en débattre. Le refus du débat exacerbe les positions. Prenez le cas de la prière dans les rues en France. Si on laisse faire les musulmans, on interdit tout débat autour de cette question, et les politiciens se croisent les bras, les gens commencent à se révolter et on risque d’avoir une guerre civile. N’est-il donc pas préférable d’en débattre avant que les choses s’enveniment? Pratiquer la censure peut avoir des conséquences catastrophiques. Prenez mon petit blog “Savoir ou se faire avoir” que j’avais initié à la Tribune de Genève: chaque semaine je recevais une menace de la part du journal et j’étais censuré à plusieurs reprises. Hani Ramadan a un blog à la Tribune de Genève et peut s’exprimer librement. Je ne conteste pas son droit de s’exprimer et je l’encourage. Mais pourquoi permettre à un islamiste avéré d’avoir son blog à la Tribune de Genève et censurer mon blog? Si à Genève je n’ai pas le droit de m’exprimer librement, pouvez-vous me dire où puis-je le faire? Face à la censure de la Tribune de Genève j’ai dû créer un blog indépendant, avec le même nom. Les lecteurs apprécieront l’attitude de la Tribune de Genève.

La journaliste: Mais on a l’impression qu’Oskar Freysinger fait de la manipulation avec ses gesticulations et l’invitation qu’il a adressée à Geert Wilders pour une conférence dans la commune de Savièse.

Sami Aldeeb: Oskar Freysinger est un acteur public, et tout acteur public doit savoir jouer son rôle. Vous payez pour aller voir un bon acteur au cinéma. Et si vous trouvez qu’il est un mauvais acteur, vous n’y reviendrez pas. Lorsqu’on parle en public, il faut savoir jouer le rôle d’un acteur. Prenez un curé qui met les mains derrière le dos pendant qu’il prêche. Ce serait ennuyant. On ne peut donc reprocher à Oskar Freysinger de faire l’acteur. Ceux qui le lui reprochent le font par jalousie parce qu’ils ne savent pas jouer leur rôle.

Quant à l’invitation de Geert Wilders à Saviève, je n’y vois aucun mal. Geert Wilders a le droit de s’exprimer, et on doit l’entendre pour savoir ce qu’il pense. Puis il y a quelque chose de dérangeant dans cette affaire. La commune de Saviêve a refusé la salle à Oskar Freysinger et à Geert Wilders, mais à Bienne on a permis à Nicolas Blancho de tenir un colloque au Palais des congrès avec trois célèbres prédicateurs controversés. Alors on permet à des islamistes d’organiser un colloque et on interdit à un parlementaire suisse et à un parlementaire hollandais de faire de même. Il y a là deux poids deux mesures. Trouvez-vous cela normal? Certes, Geert Wilders suscite des controverses, mais vous savez que Jésus avait aussi de très mauvaises fréquentations et on le lui reprochait. Un internaute m’a reproché d’avoir donné une conférence le 28 novembre 2009 au Mouvement chrétien conservateur valaisan, à Uvrier près de Sion. J’ai répondu que si jamais le parti socialiste ou la mosquée de l’Azhar ou de la Mecque m’invitaient je répondrai favorablement. Il ne faut pas faire de l’ostracisme. Un autre internaute me dit que je ne devrais pas publier sur mon blog des vidéos de Wafa Sultan, de Teslima Nasreen ou de Hirsi Ali. Évidemment je refuse de telles censures. Je souhaite que tous puissent s’exprimer librement pour qu’on puisse se former une opinion après les avoir entendus. Je publie sur mon blog aussi des positions d’extrémistes musulmans comme Anjem ChoudaryFouad Belkacem, et Alheweny (qui prône pourtant l’esclavage) et j’ai consacré de nombreux billets aux libéraux musulmans. Il faut que chacun puisse exposer librement sa marchandise pour que les gens puissent choisir en connaissance de cause.

La journaliste: Mais quelle est votre position face à l’islam? On n’arrive pas à saisir votre position.

Sami Aldeeb: L’islam est une idéologie, et comme toute idéologie il y a de bonnes choses et de mauvaises choses. Il faut donc être au courant des deux pour ne pas se laisser berner. La Cour européenne des droits de l’homme a affirmé à deux reprises que la sharia (loi islamique) est incompatible avec la démocratie et les droits de l’homme. Mais le Président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a déclaré devant les représentants des chrétiens, des juifs, des bouddhistes et des musulmans, qu’il n’y avait “pas de contradiction entre l’Islam et la démocratie”. On peut alors se demander si on n’est pas en train de se foutre de notre gueule avec deux positions contradictoires. Il faut donc savoir ce que comporte l’islam, ce qui est bon et ce qui est mauvais. Dire que l’Islam est entièrement mauvais, c’est faux, et dire qu’il est entièrement bon est autant faux. Il faut savoir que le droit musulman par exemple comporte des normes sur l’esclavage. Les musulmans ont été contraints par les occidentaux d’abolir cette pratique. Et aujourd’hui, des milieux musulmans, sentant le vent en poupe, envisagent le retour à l’esclavage avec possibilité de vendre des esclaves non-musulmanes dans le marché pour assouvir les désirs sexuels. L’esclavage fait partie intégrante de l’islam, et je suppose que vous n’êtes pas en faveur de l’esclavage. Et n’oubliez les normes islamiques qui prévoient l’amputation de la main du voleur ou la lapidation pour adultère. Ceci fait aussi partie intégrante de l’islam. On ne peut donc pas dire que l’islam est parfait, et on a le droit d’être islamophobe face à ces pratiques. Mais peut-être vous allez dire: c’est la position de quelques illuminés, fanatiques. Certes, mais n’oubliez pas qu’un homme en bonne santé peut être terrassé par un petit microbe. Il faut donc rester sur ses gardes et ne pas tomber dans l’euphorie face à l’islam. Sachez aussi que la Ligue arabe a publié un projet de code pénal unifié en 1996 dans lequel il est prévu expressément l’amputation de la main du voleur, la lapidation de l’adultère et la mise à mort du musulman qui quitte l’islam. Et ce projet se trouve sur le site de la Ligue arabe. Il ne s’agit donc pas de l’opinion de quelques illuminés. C’est une position officielle de la Ligue arabe. Pour résumer, j’adopte face à l’islam l’attitude de précaution que l’on adopte face à un serpent qui peut se révéler mortel. Et je précise ici: En tant que chrétien, je suis tenu d’aimer les Allemands mais pas le nazisme; je suis tenu d’aimer les Espagnols mais pas la corrida; je suis tenu d’aimer les Italiens mais pas le fascisme; je suis tenu d’aimer les Japonais mais pas la chasse à la baleine; je suis tenu d’aimer les musulmans mais pas l’islam.

La journaliste: Revenons à la question initiale. Pensez-vous que le front anti-islam se renforce et s’organise de plus en plus en Suisse après le vote contre les minarets?

Sami Aldeeb: Le débat sur l’islam s’intensifie non seulement en Suisse, mais aussi dans plusieurs pays occidentaux. Mais parler d’organisation ou de front anti-islam c’est trop dire. Vous avez cité Oskar Freysinger, Ulrich Schlüer, Walter Wobmann et David Vaucher. Il s’agit là de quelques individus isolés qui se courent derrière. En Suisse on a des organisations mais qui ne foutent rien en matière de débat sur l’islam. C’est le cas des partis politiques qui ne font rien. C’est le cas des églises chrétiennes qui ont fait preuve de manque de maturité en prenant position en faveur de l’abattage rituel et des cimetières religieux. Et si vous voulez parler de la Commission fédérale contre le racisme, il faut signaler que cette organisation n’a jamais émis la moindre critique contre l’islam, au point de se demander si son vrai nom n’est pas Commission fédérale pour le racisme. J’ai lu tous ses écrits: on dirait qu’elle est financée par l’Arabie saoudite. Mais si ce n’est pas le cas, elle mérite d’être financée par ce pays parce qu’elle fait un excellent travail de propagande en faveur de l’islam. Quant à nos universités, oubliez-les. Elles ne valent rien, ne veulent rien savoir et refusent de participer au débat sur l’islam: “Pour vivre heureux vivons cachés”. Regardez: nous avons dix milles avocats en Suisse. Nos politiciens proviennent surtout de cette profession. Or, les avocats qui ont étudié le droit musulman se comptent sur les doigts d’une seule main. Nos facultés de droit refusent d’enseigner le droit musulman. Comment voulez-vous alors gérer la question de l’islam en Suisse avec une telle ignorance? Personnellement je souhaite qu’il y ait plus de débats sur l’islam et plus d’organisations qui s’en occupent pour pouvoir trouver une solution aux problèmes posés par l’islam et pour éviter que les décisions soient prises à fleur de peau, de façon émotionnelle.

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