Quand Hani Ramadan innove: il ne s’agit plus de maudire juifs et chrétiens, mais tous les non-musulmans, 17 fois par jour

Source: Dans la Bible, Marc 5, Jésus réalise l’exorcisme d’un homme vivant dans des sépulcres et dont les quelque 2000 démons qui l’habitaient auraient été envoyés dans des pourceaux qui se précipitèrent aussitôt dans la mer. Au début de la procédure, Jésus aurait interrogé le possédé, lui demandant son nom. «Légion est mon nom, car nous sommes nombreux», aurait répondu l’homme.

Dans l’introduction de son commentaire de la Fatiha, la première sourate du Coran dans l’ordre usuel, Hani Ramadan avance que «le signe qu’un être ou une chose ont une grande valeur, c’est de voir cet être ou cette chose nommés de différentes façons». Il nous annonce fièrement que «dans la tradition islamique, le Créateur à quatre-vingt-dix-neuf noms, auxquels viennent s’ajouter ceux qui sont mentionnés en-dehors de cette liste, dans le Coran et la Sunna». Il insiste même pour nous apprendre que Mahomet aurait dit à propos de lui-même: «J’ai cinq noms: je suis Muhammad, et je suis Ahmad. Je suis le Hâshir (le Rassembleur), aux pieds duquel les gens seront rassemblés (au Jour dernier). Je suis le Mâhi (l’Effaceur), par lequel Dieu efface l’incroyance. Et je suis le Âqib (l’ultime Prophète).»


Les différences entre les préceptes de la Bible chrétienne et du Coran sont ainsi souvent très tranchantes. Autre exemple: selon le Coran, verset 9.111, Jésus aurait appelé au jihad. Je cite (traduction selon Muhammad Hamidullah) en mettant les passages en question en majuscules:

Certes, ALLAH A ACHETÉ DES CROYANTS, leurs personnes et leurs biens EN ÉCHANGE DU PARADIS. ILS COMBATTENT DANS LE SENTIER D’ALLAH: ILS TUENT, ET ILS SE FONT TUER. C’est UNE PROMESSE AUTHENTIQUE QU’IL A PRISE SUR LUI-MÊME DANS la Thora, L’ÉVANGILE et le Coran. Et qui est plus fidèle qu’Allah à son engagement ? Réjouissez-vous donc de l’échange que vous avez fait : Et c’est là le très grand succès.

Mais passons. De même, la Fatiha a plusieurs noms, dont on peut lire la signification avant d’en découvrir les vertus thérapeutiques et même exorcistiques. C’est aussi dans cette introduction qu’on apprend que la Fatiha s’appelle notamment les «sept répétés» car elle «est répétée dans la prière, et parce qu’elle est lue dans chaque rak’a» (cycle de prière). En note de bas de page, Ramadan nous précise aussi que «le croyant récite cette sourate au moins dix-sept fois par jour».

Ensuite, Hani Ramadan procède à l’exégèse des sept versets de la Fatiha. C’est un texte intéressant, qui insiste (écrit en gras) par exemple sur le fait que Allah «est tout miséricordieux (rahîm) vis-à-vis des croyants» et que le prophète est un «Messager… compatissant et tout miséricordieux (rahîm) envers les croyants» (Coran 9.128).

Je passe directement au 7e verset, qui comporte une interprétation sortant un peu de l’orthodoxie ordinaire. Voici ce verset: «Le chemin de ceux que Tu as comblés de Tes bienfaits, non de ceux qui ont encouru Ta colère, ni des égarés.» Ramadan décrit ensuite qui sont ces trois catégories de gens. Pour la première catégorie, tout reste standard: ce sont les prophètes, les véridiques, les martyrs et les vertueux selon le Coran (4/69) ou les prophètes, les croyants ou les musulmans selon divers avis de savants.

Pour les deux autres catégories, Ramadan adopte toutefois un point de vue comportant une touche de modernisme qui semble héritée de Sayyid Qutb, célèbre membre des Frères musulmans égyptiens et théoricien du jihad moderne, que Ramadan cite d’ailleurs dans sa conclusion. Comme Qutb, en effet, Ramadan écarte l’interprétation standard, qu’il mentionne tout de même, pour élargir ces deux catégories à tous ceux dont on ne peut pas dire qu’ils «s’engagent sur la voie du savoir authentique et de la volonté sincère. En d’autres termes: ceux qui, adorant Dieu seul, suivent l’exemple du Prophète (…).»

Pour l’interprétation usuelle de ces deux catégories, je renvoie le lecteur à la collection complète des exégèses coraniques de ce verset dans La Fatiha et la culture de la haine: Interprétation du 7e verset à travers les siècles. Qu’il suffise ici de savoir qu’il s’agit simplement des juifs (qui encourraient la colère de Dieu) et des chrétiens (qui seraient égarés), selon le Coran et Mahomet. Oui, les musulmans standard (se) rappellent par ce biais au moins 17 fois par jour que les juifs encourent la colère de Dieu et que les chrétiens sont égarés. Et ceux qui suivent plutôt Ramadan (ou les Frères musulmans) (se) rappellent au moins 17 fois par jour que tous les non-musulmans sont exclus de la bénédiction de Dieu (c’est-à-dire maudits).

En conclusion, Ramadan nous invite à considérer la Fatiha et ses plus de 6000 répétitions par an comme la «clef de la vie spirituelle» et nous appelle au service de «la plus noble cause, celle de la soumission à Dieu», c’est-à-dire à l’islam.

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