Oumar Sankharé : De la culture grecque aux dérives sur le Coran

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A la suite de la parution de l’ouvrage du Pr Oumar Sankharé  intitulé «  Le Coran et la culture grecque », M. Souleymane Téliko, magistrat, nous livre ses réflexions sur l’un des aspects de la problématique abordé par l’auteur. Un débat d’intellectuels riche en enseignements sur la belle vie et œuvre du Prophète Mohamed (Psl). Contribution exclusive pour « Le Témoin »

L’émission  « L’entretien » Voir la vidéo ici animée par Sada Kane et diffusée le lundi 14 avril 2014 a été l’occasion, pour le professeur Oumar Sankharé, de présenter  son ouvrage intitulé «  Le Coran et la culture grecque ».

La lecture de cet ouvrage laisse apparaître que l’auteur a, de toute évidence, une parfaite maîtrise de la culture grecque. Il mérite donc d’être félicité pour le sérieux dont il a fait preuve dans l’approche et  l’analyse de la problématique abordée dans l’ouvrage, à savoir,  les similitudes entre le Coran et la culture grecque.

Toutefois, nous tenons à nous arrêter sur un aspect de son argumentation  qui nous  laisse perplexe.

En effet, le professeur Sankharé est largement revenu sur les similitudes entre le Coran et la culture grecque, notamment dans les domaines suivants :

  • La mythologie,
  • L’histoire,
  • La littérature,
  • La philosophie,
  • La philologie,
  • La rhétorique.

A la question de savoir comment il expliquait autant de similitudes, le professeur Sankharé a  répondu que ces dernières étaient dues au fait que le texte coranique a été simplement inspiré au Prophète et que «  ce n’est pas Dieu qui a donné le texte mais  ce sont les hommes qui ont donné le texte ».

Autrement dit, pour M. Sankharé, s’il paraît évident que le Coran est d’essence divine, sa formulation, en revanche, est l’œuvre d’humains marqués par l’influence de la culture grecque.

Pour ne pas se voir rétorquer que le Prophète (PSL), en tant qu’illettré, ne pouvait évidemment pas rédiger un texte d’une telle facture, M. Sankharé ajoute que le Prophète (PSL) n’était pas un illettré et qu’en outre, il était entouré d’hommes de science et d’historiens qui ont  contribué à la composition du texte. En effet, à la page 184 de son livre, il écrit que  « l’entêtement des théologiens à traduire « nabiyumummiyum » par prophète illettré au lieu de « prophète de la communauté » de la  « Oumma » comme le sens y invite, cache mal une volonté d’obscurantisme. Attitude paradoxale ! Car comment accepter que l’ange ne puisse pas savoir le statut intellectuel de l’envoyé de Dieu au point de s’entendre dire «  je ne sais pas lire » ? Dieu peut-il confier une mission aussi importante à un homme inculte ? ».

La question est donc de savoir si le Coran a été révélé au Prophète (PSL) dans sa formulation actuelle sans que ce dernier n’ait eu à ajouter ou à retrancher  le moindre mot ou si, comme le pense M. Sankharé, le Coran est plutôt le récit humain d’un message divin. Autrement dit, un texte inspiré de Dieu mais composé par des hommes.

Avant de nous prononcer sur cette question, il nous semble nécessaire de nous pencher, sous forme d’interrogations, sur les postulats qui sont à la base du raisonnement de M.  Sankharé.

Les similitudes entre le Coran et la culture grecque signifient-elles nécessairement que le texte sacré a été rédigé par des hommes ?

Si, comme c’est le cas, le Coran est la parole de Dieurévélée dans son sens comme dans son libellé exact par l’intermédiaire de l’ange Gabriel, comment son intégrité a-t-elle pu être préservée  jusqu’à nos jours ?

C’est à ces deux interrogations que nous allons tenter de répondre, en nous en tenant à la ligne de conduite qu’Allah nous indique à suivre pour tout cas de divergence. «Si vous divergez sur quelque chose entre vous, revenez à Allah et à Son Messager, si vous croyez en Allah et au Jour Dernier. Cela est meilleur et plus convenable comme résolution finale” (Sourate 4 verset 59).

Les similitudes entre le Coran et la culture grecque signifient-elles que le texte sacré a été rédigé par des hommes ?

Depuis l’aube des temps, Dieu  s’est  toujours adressé aux peuples  à travers leur  langue. Dans la sourate 41 (versets 2 et 3), il dit ceci à propos du Coran :

« C’est une révélation descendue de la part du Tout Miséricordieux, du Très Miséricordieux

« Un livre dont les versets sont détaillés et clairement exposés, un Coran arabe pour des gens qui savent ».

La langue étant un moyen de communication autant qu’un  support culturel, il est tout à fait compréhensible que, du message transmis, transparaissent des traits culturels du peuple qui l’a reçu en premier lieu. Certes, le message coranique est destiné à l’univers tout entier, mais Dieu a  choisi de s’adresser  directement au peuple arabe du 7ème siècle  en utilisant sa langue et  quelques aspects de ses fondements socio-culturels. C’était le meilleur moyen de faire comprendre le message à un peuple qui devait ensuite s’acquitter de la  délicate mission de le diffuser à travers le monde.

Les similitudes entre le Coran et la culture grecque ne signifient donc pas que le texte coranique porte l’empreinte de l’homme. C’est d’ailleurs pour donner des gages de l’origine divine des versets du Coran que  Dieu a délibérément choisi, pour porter son message, un homme qui, jusque-là, ne savait ni lire, ni écrire. Ainsi, contrairement à l’affirmation de M. Sankharé qui semble trouver paradoxal que le message coranique puisse être porté par  un illettré, le Coran nous apprend que c’était précisément le meilleur moyen d’écarter les doutes sur l’identité de l’auteur des versets.

A la sourate 29 (verset 48), il est dit en effet que « Avant cela, tu ne lisais pas de livre, ni n’écrivais de ta main droite, car autrement, ceux qui nient la vérité auraient émis des doutes ».

Manifestement, M. Sankharé ne prend pas l’exacte mesure de la dimension divine dans le processus de la révélation. En s’interrogeant sur la pertinence du choix porté sur un illettré pour accomplir une mission prophétique, M. Sankharé brandit un argument qui ressemble étrangement à celui que les notables mecquois opposaient au Prophète (PSL) lorsqu’ils lui disaient « Pourquoi n’a-t-on pas fait descendre le Coran sur une haute personnalité de l’une des deux villes (La Mecque et Taîf) (sourate 43 verset 31) ? ».

En vérité, l’aptitude à recevoir  un message de cette nature, à l’assimiler et à mener à bien la mission prophétique ne tient absolument pas au statut d’intellectuel ou à celui de supposé « inculte ». Celui qui, du néant, a créé les Cieux et la Terre, qui « fait sortir le vivant du mort et le mort du vivant » (sourate 3 verset 27 )n’est-il pas en mesure de faire d’un illettré, le dirigeant, le meneur d’hommes à la dimension exceptionnelle que fut le prophète Muhammad (PSL) ?

Comme nous le rappelle le Coran, il  est important de garder à l’esprit qu’en définitive, Dieu « sait mieux que quiconque  où placer son message » (sourate 6 verset 124) et  quand IL décide de porter  son choix sur quelqu’un, IL  le dote des qualités et vertus  requises  pour être à la hauteur de la mission. En témoigne le verset suivant par lequel Allah apaise les  inquiétudes du Prophète (PSL) sur sa capacité à retenir le message. « Nous te  ferons réciter le Coran de sorte que tu n’oublieras pas – sauf ce qu’Allah aura voulu » (sourate 87 versets 6et 7).

Il est donc clair que, pas plus que l’un quelconque  de ses compagnons, le Prophète (PSL) ne pouvait composer le texte coranique. D’ailleurs, il  faut relever  que, dès le début de la révélation, certains n’avaient pas manqué d’attribuer à des savants tapis dans l’ombre, le mérite d’avoir composé le texte coranique au profit du Prophète (PSL). La réponse  était alors venue du Seigneur lui-même :

« Si vous avez des doutes sur ce que nous avons révélé à notre serviteur, tâchez donc de produire une sourate semblable et appelez vos témoins que vous adorez en dehors d’Allah, si vous êtes véridiques.

Si vous n’y parvenez pas, et à coup sûr, vous n’y parviendrez jamais, prenez garde au feu qu’alimenteront les hommes et les pierres, lequel est réservé aux infidèles ». (Sourate 2 verset 23)

Au regard de ces considérations, il ne fait aucun doute que le Coran est, dans son essence comme dans sa formulation, une œuvre exclusivement divine. Mais s’il en est ainsi, comment  un  texte aussi long (plus de 6 000 versets) a-t-il pu être préservé jusqu’à nos jours ?

Comment l’intégrité du texte coranique a-t-elle pu être préservée ?

Pour préserver l’intégrité du texte que lui dictait l’ange Gabriel, le Prophète (PSL) devait le mémoriser avant de le  faire transcrire par ses scribes. C’est précisément pour s’acquitter convenablement de cette noble  tâche qu’il  se montrait particulièrement pressé de retenir les passages qui lui étaient révélés. Dieu a  tenu à le rassurer  en lui disant ceci :

« Ne remue pas ta langue dans ton impatience de réciter le Coran.

C’est à Nous, en vérité, qu’incombent son assemblage et sa récitation

Quand Nous lirons, suis-en la lecture

A Nous, ensuite de l’exposer  clairement » (Sourate 75 versets 16 à 19).

C’est cet exercice de mémorisation, auquel le Prophète (PSL) avait également astreint  bon nombre de ses compagnons, qui a permis de sauvegarder, aux premières  heures de la révélation, le texte coranique.

Par ailleurs, il est aussi important de préciser que la révélation s’est poursuivie  sur une durée de 23 ans. Or, le Coran étant composé de 6600 versets environ, un simple  calcul permet de se rendre compte que,  grâce à  ce caractère graduel de la révélation, le Prophète  (PSL) et ses compagnons n’ont eu à mémoriser, en moyenne, qu’un verset par jour.

En dotant le Prophète  (PSL) d’une grande capacité de mémorisation et en procédant à  une révélation graduelle du Coran, Dieu avait ainsi réuni les conditions objectives de la préservation du texte sacré, comme il s’y est, du reste, engagé dans le verset 9 de la sourate 15 : « En vérité, c’est Nous qui avons fait descendre le Coran et c’est Nous qui en sommes le gardien ».

C’est, incontestablement,  une marque de la Sagesse et de l’Omnipotence de Dieu que d’avoir ainsi permis de rendre  relativement facile une tâche qui pouvait paraître, à priori, insurmontable.

Pour conclure, nous estimons que le professeur Oumar Sankharé a certes fait des efforts louables dans son travail de recherche et d’analyse du sujet abordé.

Mais l’explication qu’il donne de l’origine des similitudes entre le Coran et la culture grecque nous semble peu convaincante, pour ne pas dire erronée.

En tout état de cause, nous  espérons que d’autres voix plus autorisées et plus averties que la nôtre pourront apporter leur contribution à ce sujet et enrichir ce débat qui nous semble intéressant à plus d’un titre.

Souleymane Teliko, Magistrat

[email protected]

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