Mauritanie: Possibilité de se repentir pour un blasphémateur?

Question d’un lecteur

Cher Sami,

Voici les articles (ci-dessous) dont nous venons d’évoquer.
Ma question est de savoir s’il est exact que selon la jurisprudence malékite, un blasphémateur du type de celui dont parle l’article, n’a même pas la possibilité de se repentir mais est d’office condamné à mort.
Un grand merci pour ton service.
 
Réponse de Sami Aldeeb:
La doctrine malélike permet le reprentir de celui qui quitte l’islam pour le christianisme ou le judaïsme. Mais celui qui devient zandiq, on ne lui accorde pas la possibilité de se repentir parce qu’il professe l’islam en apparence, mais reste mécréant intérieurement. Voir ce commentaire du Muwatta’ de Malik en arabe: https://goo.gl/XzRS1d.
Cette position serait partagée aussi par les hanbalites et certains juristes des autres écoles. On invoque ici les versets 2: 159-160:
Certes ceux qui cachent ce que Nous avons fait descendre en fait de preuves et de guide après l’exposé que Nous en avons fait aux gens, dans le Livre, voilà ceux qu’Allah maudit et que les maudisseurs maudissent, sauf ceux qui se sont repentis, corrigés et déclarés: d’eux Je reçois le repentir. Car c’est Moi, l’Accueillant au repentir, le Miséricordieux (traduction de Hamidullah). Voir cet article en arabe http://www.startimes.com/f.aspx?t=34240895
L’article 306 du code pénal mauritanien
ART. 306. – Toute personne qui aura commis un outrage public à la pudeur et aux mœurs islamiques ou a violé les lieux sacrés ou aidé à les violer, si cette action ne figure pas dans les crimes emportant la Ghissass ou la Diya, sera punie d’une peine correctionnelle de trois mois à deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 5.000 à 60.000 UM.
Tout musulman coupable du crime d’apostasie, soit par parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de trois jours. S’il ne se repent pas dans ce délai, il est condamné à mort en tant qu’apostat, et ses biens seront confisqués au profit du Trésor. S’il se repent avant l’exécution de cette sentence, le parquet saisira la Cour suprême, à l’effet de sa réhabilitation dans tous ses droits, sans préjudice d’une peine correctionnelle prévue au 1er paragraphe du présent article.
Toute personne coupable du crime d’apostasie (Zendagha) sera, à moins qu’elle ne se repente au préalable, punie de la peine de mort.
Sera punie d’une peine d’emprisonnement d’un mois à deux ans, toute personne qui sera coupable du crime d’attentat à la pudeur.
Tout musulman majeur qui refuse de prier tout en reconnaissant l’obligation de la prière sera invité à s’en acquitter jusqu’à la limite du temps prescrit pour l’accomplissement de la prière obligatoire concernée. S’il persiste dans son refus jusqu’à la fin de ce délai, il sera puni de la peine de mort. S’il ne reconnaît pas l’obligation de la prière, il sera puni de la peine pour apostasie et ses biens confisqués au profit du Trésor public. Il ne bénéficiera pas de l’office consacré par le rite musulman.
L’article 306 du code pénal mauritanien après amendement en 2018
Les passages amendés importants sont en gras
Toute personne qui aura commis un outrage public à la pudeur et aux mœurs islamiques ou a violé les lieux sacrés ou aidé à les violer, si cette action ne figure pas dans les crimes emportant la Ghissass ou la Diya, sera punie d’une peine correctionnelle de trois mois à deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 50.000 à 600.000 UM.
Chaque musulman, homme ou femme, qui se moque ou outrage Allah ou Son Messager (Mahomet) – Paix et Salut sur Lui – ses anges, ses livres ou l’un de ses Prophètes est passible de la peine de mort, sans être appelé à se repentir. Il encourt la peine capitale même en cas de repentir.
Tout musulman coupable du crime d’apostasie, soit par parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de trois jours. S’il ne se repent pas dans ce délai, il est condamné à mort en tant qu’apostat, et ses biens seront confisqués au profit du Trésor.
Toute personne coupable du crime d’apostasie (Zendagha) sera, à moins qu’elle ne se repente au préalable, punie de la peine de mort.
Tout musulman majeur qui refuse de prier tout en reconnaissant l’obligation de la prière sera invité à s’en acquitter jusqu’à la limite du temps prescrit pour l’accomplissement de la prière obligatoire concernée. S’il persiste dans son refus jusqu’à la fin de ce délai, il sera puni de la peine de mort. S’il ne reconnaît pas l’obligation de la prière, il sera puni de la peine pour apostasie et ses biens confisqués au profit du Trésor public. Il ne bénéficiera pas de l’office consacré par le rite musulman.
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Mauritania: Mandatory Death Penalty for Blasphemy

Law Passed as Country Hosts African Human Rights Body

(Tunis) – Mauritanian authorities should reverse the recent adoption of a law on apostasy related crimes making the death penalty mandatory for “blasphemous speech” and “sacrilegious acts,” 21 national and international nongovernmental organizations said today. The authorities should also end the arbitrary detention and guarantee the safety of a blogger, Mohamed Cheikh Ould Mkhaïtir, whose case appears to be related to the timing of the law.  Mkhaïtir was convicted of apostasy and sentenced to death in December 2014 before a court reduced his punishment to two years imprisonment. Although his sentence has expired, the authorities continue to detain him.

The National Assembly passed a law on April 27, 2018 that replaces article 306 of the Criminal Code and makes death penalty mandatory for anyone convicted of “blasphemous speech” and acts deemed “sacrilegious.” The new law eliminates the possibility under article 306 of substituting prison terms for the death penalty for certain apostasy-related crimes if the offender promptly repents. The law also extends the scope of application of the death penalty to “renegade acts.”

The law also provides for a sentence of up to two years in prison and a fine of up to 600,000 Ouguiyas (approximately EUR 13,804) for “offending public indecency and Islamic values” and for “breaching Allah’s prohibitions” or assisting in their breach.

The National Assembly passed this law as the African Commission on Human and Peoples’ Rights (ACHPR) held its 62nd Ordinary Session in Nouakchott, the capital. The ACHPR has repeatedly said that countries should abolish the death penalty or establish a moratorium in line with the continental and global trend. In particular, the ACHPR emphasized: “In those States which have not yet abolished the death penalty it is vital that it is used for only the most serious crimes – understood to be crimes involving intentional killing. (…) Those sentenced to death have the right to seek clemency, pardon or commutation through a transparent process with due process of law.”

In addition, the United Nations has repeatedly stated that the mandatory imposition of the death penalty, even for the most serious crimes, is prohibited under international human rights law.

Mauritania has not carried out any execution since 1987. It has ratified numerous international human rights treaties including the International Covenant on Civil and Political Rights, the Convention against Torture and the African Charter on Human and Peoples’ rights that protect the right to life. The adoption of the law making the death penalty mandatory for certain apostasy related crimes is a huge step backward from the abolition of the death penalty.

The timing of the law appears to be related to the Mkhaïtir case. In 2014, a Nouadhibou court sentenced Mkhaïtir to death for apostasy under article 306 for posting an article online denouncing the use of religion to legitimize discriminatory practices against the blacksmith caste in Mauritania with which he identifies.

However, on November 9, 2017, the Court of Appeals of Nouadhibou commuted Mkhaïtir’s death penalty to a two-year prison term and a fine, after recognizing his repentance. A week later, the Council of Ministers approved the draft law to repeal and replace article 306.

Since Mkhaïtir had already served almost three years in detention by the time that the Court of Appeals reduced his sentence, he should have been released. However, he remains in incommunicado detention. On May 2, 2018 the Mauritanian authorities informed the UN Committee on the Elimination of Racial Discrimination (CERD) that Mkhaïtir was in “administrative detention for his own safety”.

Throughout the legal proceedings against Mkhaïtir, thousands of protesters took to the streets in several towns, including Nouadhibou and Nouakchott, demanding that Mkhaïtir be sentenced to death and executed. He continued to receive death threats when he was in prison. His relatives, friends and supporters also received death threats.

In addition to Mkhaïtir, other Mauritanians who speak out against slavery and discrimination in Mauritania risk reprisals, including arbitrary arrests, torture and other ill-treatments, bans on their activities or their organizations.

SIGNATORY ORGANIZATIONS

Action des Chrétiens pour l’abolition de la Torture France ; Amnesty International; Anti-Slavery International; Association des Femmes Chefs de Famille (Mauritanie) ; Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (Mauritanie) ; Committee to Protect Journalist ; Comité de Solidarité avec les Victimes des Violations des Droits Humains (Mauritanie) ; Ensemble Contre la Peine de Mort ;  Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme ; Forum des Organisations Nationales des Droits de l’Homme en Mauritanie (Mauritanie) ; Freedom Now ; Groupe d’Etudes et de Recherches sur la Démocratie et le Développement Economique et Social (Mauritanie) ; Human Rights Watch ; Initiative de la Résurgence du Mouvement Abolitionniste (Mauritanie) ; International Humanist and Ethical Union; PEN America; PEN International; Reporters Sans Frontières ; SOS Esclaves (Mauritanie) ; Touche pas à ma nationalité (Mauritanie) ; World Coalition Against the Death Penalty.

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Source

MAURITANIE: LA PEINE DE MORT, MÊME POUR LES APOSTATS REPENTIS
Mise à jour le 30/04/2018 à 11h29 Publié le 30/04/2018 à 11h23 Par notre correspondant à Nouakchott Cheikh Sidya
La Mauritanie durcit sa loi pénale contre toutes les formes d’atteintes à la religion et va désormais appliquer la peine de mort aux apostats, même en cas de repentir dans les trois (3) jours suivants. En effet, l’Assemblée nationale a examiné et adopté ce week-end un projet de loi abrogeant et remplaçant les dispositions de l’article 306 du Code pénal -loi 83-162 de septembre 1983, traitant du crime d’apostasie.
C’est Diallo Mamadou Bathia, ministre de la Défense, assurant l’intérim de son collègue de la Justice, qui a expliqué les tenants et aboutissants de cette réforme devant la représentation nationale. Dans ses arguments, le responsable gouvernemental a rappelé «les fondements de la législation pénale mauritanienne, tirée du préambule de la Constitution, qui fait de la charia islamique la source de la loi» et dont l’article 5 proclame «l’Islam religion d’Etat».

LIRE AUSSI: Mauritanie: le blogueur Mkheitir toujours en détention, même après avoir purgé sa peine

A la lecture du texte portant la réforme, on note que les individus reconnus coupables d’apostasie seront condamnés à la peine capitale nonobstant un repentir.
L’article 6 du Code pénal, alinéa 2, modifié, rappelle-t-on, énonce: «tout musulman coupable de crime d’apostasie, soit par parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de 3 jours. S’il ne se repend pas dans ce délai, il est condamné à mort en tant qu’apostat et ses biens seront conþsqués au proþt du Trésor public. S’il se repend avant l’exécution de cette sentence, le Parquet saisira la Cour suprême, à l’effet de sa réhabilitation dans tous ses droits, sans préjudice d’une peine correctionnelle prévue au premier paragraphe du présent article».

Le ministre a ajouté: les dispositions de l’article 6 alinéa 2 «sont en contradiction avec la doctrine malékite qui est celle de l’Etat. Le projet de loi intervient pour corriger ce dysfonctionnement».
Cette modification des dispositions de l’article 306 du Code pénal mauritanien intervient dans un contexte particulier, à la suite de poursuites pour «apostasie» engagées contre un blogueur du nom de Mohamed ould MKheitir, au mois de décembre 2013.

LIRE AUSSI: Mauritanie: un célèbre poète menace de tuer le blogueur Mkheitir s’il était libéré

Celui-ci a été condamné à la peine capitale par une cour criminelle en 2014. A la faveur d’un recours de la défense, cette sentence a été annulée par la Cour suprême, prononçant une peine correctionnelle de 2 ans (entièrement purgée pendant la détention préventive) en novembre 2017.
Cependant, le blogueur n’a pas retrouvé la liberté en dépit de la décision de la haute juridiction. Les autorités affirment qu’il est désormais placé «en détention administrative». La défense conteste cette mesure, estimant qu’elle n’est pas prévue dans la législation pénale du pays.
Depuis 2013, les milieux proches de la mouvance islamiste organisent régulièrement des manifestations de rue pour exiger l’exécution de Mohamed ould M’Kheitir.
Ce contexte renvoie à une législation adoptée sous la pression de la rue. Ce que regrette ce spécialiste du droit, rappelant un vieux principe suivant lequel «la foule est l’ennemie du juge». Le même analyste réfute les arguments du ministre, en faisant remarquer au passage que la Constitution mauritanienne se réfère à l’Islam, mais rarement au rite malékite.
Il regrette également le «mauvais» timing choisi pour l’adoption de la nouvelle loi, au moment où Nouakchott abrite les assises de la 62e session de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP), dont le thème central porte sur l’abolition de la peine de mort.
Toutefois, à la décharge des autorités de Nouakchott, on peut rappeler que la Mauritanie observe un moratoire sur l’exécution des décisions de justice demandant la peine capitale depuis le 5 décembre 1987.

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Source

Article 306 du code pénal révisé: La peine contre les apostats repentis

30 Avr 2018

L’assemblée nationale a examiné et adopté ce week-end, un projet de loi abrogeant et remplaçant les dispositions de l’article 306 du Code Pénal (CP)-loi 83-162 du 09 1983, relatif au crime d’apostasie.

Pour défendre cette réforme, le ministre mauritanien de la défense, Diallo Mamadou Bathia, assurant l’intérim de son collègue de la justice, a rappelé les fondements de la législation pénale mauritanienne « tirée du préambule de la constitution » qui fait de la charia islamique la source de la loi, et dont l’article 05 proclame « l’Islam religion d’Etat ».

Sur la base de la réforme adoptée, les individus coupables du crime d’apostasie sont condamnés à la peine capitale en dépit d’un éventuel repentir. L’article 06 du Code Pénal, alinéa 02, modifié énonce « tout musulman coupable de crime d’apostasie, soit par parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de 3 jours.

S’il ne se repent pas dans ce délai, il est condamné à mort en tant qu’apostat et ses biens seront confisqués au profit du trésor public.

S’il se repent avant l’exécution de cette sentence, le parquet saisira la cour suprême, à l’effet de sa réhabilitation dans tous ses droits, sans préjudice d’une peine correctionnelle prévue au premier paragraphe du présent article ». Le ministre a ajouté que les dispositions de l’article 06 alinéa 02 « sont en contradiction avec la doctrine malékite qui est celle de l’Etat. Le projet de loi intervient pour corriger ce dysfonctionnement».

La nouvelle loi est adoptée dans un contexte marqué par un vif débat relatif au cas d’un blogueur condamné à mort par une cour criminelle pour «apostasie » en 2016.

Suite à un recours de la défense, et tenant compte de son repentir, un arrêt de la cour suprême a condamné ce jeune homme à une peine correctionnelle de 2 années, déjà purgées en détention préventive.

Toutefois, en dépit de la décision de la haute juridiction, le blogueur n’a pas retrouvé la liberté. Les proches de Mohamed ould M’Kheitir– c’est le nom de cet individu-et ses avocats, affirment ne pas avoir de ses nouvelles. Les autorités défendent la thèse « d’une détention administrative ».

Au cours des dernières années, les milieux proches de la mouvance islamistes ont organisé plusieurs manifestations exigeant l’exécution du blogueur.

Une attitude qui met la pression sur les autorités.

Le Calame

 

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