On entend souvent parler du grand jihad (contre ses propres passiosns) et du petit jihad (contre les mécréants) en islam, et que l’islam favorise le grand jihad. Qu’en est-il? Comment le Larousse participe à cet enfumage?
Extrait de notre ouvrage: Sami Aldeeb: Le jihad dans l’islam: Interprétation des versets coraniques relatifs au jihad à travers les siècles, Createspace (Amazon), Charleston, 2016, 254 pages : Amazon
Le terme Jihad, écrit aussi Djihad, est défini par le dictionnaire Larousse en ligne[1] comme suit:
- Effort sur soi-même pour atteindre le perfectionnement moral ou religieux.
- Combat, action armée pour étendre l’islam et, éventuellement, le défendre. (C’est abusivement que le mot est employé au sens de «guerre sainte».)
Ce terme est un substantif dérivant du verbe arabe jahada qui signifie étymologiquement «fournir un effort». Ce verbe et ses dérivés reviennent 41 fois dans le Coran, dont 33 en rapport avec le sens de combat.
Le premier sens donné par le dictionnaire Larousse ne figure nulle part dans le Coran, et se base sur un récit douteux attribué à Mahomet qui aurait dit: «Nous sommes revenus du petit jihad (c’est-à-dire le combat contre l’ennemi) pour le grand jihad (c’est-à-dire le combat contre ses propres penchants)». Une fatwa saoudienne estime que ce récit n’a pas de fondement (la asl lah), et sa chaîne de transmission est faible (sanad da’if)[2]. Dans les exégèses examinées dans cet ouvrage, on le retrouve pour la première fois chez Abd-al-Karim Al-Qushayri, un exégète soufi décédé en 1072, et ensuite chez Ibn-’Ajiba, lui aussi exégète soufi décédé en 1808.
Un récit attribué à Mahomet dit que le Jihad peut se faire soit par la main, soit par la langue, soit par le cœur[3]. Ceci signifie haïr l’ennemi[4]. Un autre dit: «Le meilleur jihad est une parole juste auprès d’un gouverneur injuste»[5]. Un troisième dit: «Veiller sur la veuve et le pauvre équivaut au jihad dans la voie de Dieu»[6]. On voit ainsi que le Jihad peut avoir plusieurs sens. Mais lorsque ce terme est utilisé dans les ouvrages juridiques musulmans, il signifie la guerre et le fait d’y participer[7]. C’est la raison pour laquelle cette étude se limitera à cette acception.
Le terme jihad (que nous traduisons par lutte) n’est pas le seul utilisé par le Coran pour parler du combat. On retrouve ainsi les verbes qatala (combattre), haraba (faire la guerre), nafara (mobiliser), kharaja (sortir [pour la guerre]), daraba (s’activer ou voyager [pour la guerre]), anfaqa (dépenser [pour la guerre]) et une fois le terme ghuzza (dans le sens de faisant la razzia).
On retrouve l’expression fi sabil Allah ou fi sabilihi (dans la voie de Dieu; dans sa voie) plus d’une soixantaine de fois, le plus souvent en rapport avec le jihad. Ce qui donne un sens religieux au combat, celui-ci étant mené contre ceux que le Coran considère comme les ennemis de Dieu, que ce combat soit dans un but défensif, ou dans un but offensif.
[1] http://goo.gl/f9431t
[2] http://goo.gl/ID35HH
[3] Voir ce récit en arabe et en anglais ici: http://goo.gl/rWh7Fj
[4] Munir Al-‘Ubaidi: Jihad al-talab bayn al-aqdamin wal-mu’assirin, p. 233. http://goo.gl/JcTbtr
[5] Voir ce récit en arabe et en anglais ici: http://goo.gl/KqDXTd
[6] Voir ce récit en arabe et en anglais ici: http://goo.gl/iRv2de
[7] Munir Al-‘Ubaidi, op. cit., p. 230
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