C’est la deuxième partie des interdits alimentaires chez les juifs.
Le mélange de viande et de lait
Il est interdit de mélanger la viande (et ses dérivés) et le lait (et ses dérivés comme le fromage et le beurre) en raison du verset répété trois fois: «Tu ne feras pas cuire un chevreau dans le lait de sa mère » (Ex 23:19 et 34:26, et Dt 14:21). Il est interdit de cuire, de consommer ou profiter d’une nourriture qui comporte un tel mélange. Pour cela le juif qui veut observer les normes alimentaires doit avoir deux vaisselles: une vaisselle pour les plats carnés et une autre pour les plats lactés. Cette vaisselle, préférablement de différente couleur, est lavée et gardée séparément. La volaille est assimilée à la viande, mais les poissons peuvent être cuits dans le lait et mangés dans les deux vaisselles. Une troisième vaisselle dite parve (neutre) sert à des aliments qui ne sont ni carnés ni lactés. Après avoir consommé des laitages on attend une demi-heure à une heure pour consommer des viandes, parfois six heures après la consommation de certains fromages à pâte dure, ou cuite. Après la viande on attend six heures pour consommer du lait, le temps de digestion étant estimé plus long. On peut cependant réduire ces délais pour des malades ou des nourrissons en cas de besoin.
Le lait et la viande et leurs dérivés entrent, séparément ou conjointement dans différents produits. Si les normes juives concernant ces deux produits ne sont pas respectées, l’aliment devient interdit. C’est le cas par exemple du pain dans lequel on ajoute de la graisse animale ou lactique, et qui plus est, les levures de panification sont fabriquées à partir d’un alcool vinique qui les rend interdit. C’est le cas aussi des produits pour enfants.
Les aliments du sabbat et de Pâque
Un aliment consommé lors du sabbat doit être cuit dans le respect des normes du sabbat. Ce jour-là, il est interdit de faire 39 sortes de travail, dont allumer du feu (Ex 35:3). Pour ne pas violer cette norme, on allume le feu une heure avant le début du sabbat et on le laisse allumé tout le sabbat jusqu’au lendemain. On peut consommer la nourriture mise sur le feu avant le sabbat. De même, il est interdit de consommer du levain pendant les huit jours de Pâque (Ex 12:15, 19 et 20). Il existe aussi une vaisselle particulière pour Pâque afin qu’il n’y ait aucune trace de levain.
Les aliments des non-juifs
Plusieurs normes juives excluent le non-juif de la préparation des aliments purs. Nous tirons les citations suivantes d’un texte d’un rabbin publié sur Internet:
– « La Torah a interdit l’usage et la consommation de … tous produits du pressoir qui n’auraient pas été fabriqués sous le contrôle d’un rabbin compétent, ou qui auraient été manipulés par un non juif « .
– « Il est d’usage que l’allumage du four ou des plaques soit fait par un juif, juif conscient de l’importance de la Mitzvah (commandement religieux) en guise de participation à la préparation des mets ».
– « On ne consomme que des laitages traits ou préparés en présence d’un juif. Cet usage remonte à l’époque où se vendait du lait d’ânesse, de truie ou de chamelle. Il est resté de règle dans de nombreuses communautés. Les fromages doivent également être élaborés sous surveillant rabbinique pour exclure l’usage de présure d’origine interdite ».
– « Les ustensiles de cuisine et les services de table doivent être immergés dans un Mikvé (bain rituel) lorsqu’ils ont été fabriqués ou vendus par des non juifs. Et ce même s’ils n’ont jamais été utilisés »
– « Nos sages ont recommandé de ne pas donner un nourrisson à une nourrice non juive ».
– Est interdite « la consommation ou toute autre utilisation au bénéfice du vin des non juifs, même lorsque celui-ci est produit ou utilisé à d’autres fins qu’un rite religieux païen. Pourquoi? Les raisons sont simples, l’une d’elles est que tout en gardant des relations de respect mutuel dans nos relations de travail ou de vie sociale dans l’État avec nos voisins non-juifs, nous devons nous préserver d’amitié trop proche qui risquerait, Dieu nous en préserve, de nous conduire à des mariages mixtes ou à une assimilation avec des adeptes d’une autre foi. Cette interdiction s’étend également sur le vin produit ou manipulé par des non juifs ou par des juifs qui ont renié ou se sont écartés de la Torah et des Mitsvot (commandements religieux) ». Le vin pur « doit être produit, depuis les toutes premières étapes de la mise du raisin en cuve jusqu’à sa mise en bouteille, par un juif observant, et n’être, à aucun moment, manipulé par un non-juif ».
La nécessité fait loi
En cas de nécessité, notamment en cas de maladie mortelle, et dont le seul traitement serait l’absorption de nourritures ou de médicaments à base d’ingrédients impurs, les lois alimentaires s’effacent totalement. Devant une maladie moins grave, et lorsqu’on a le choix thérapeutique, on s’efforcera de choisir des médicaments aux composants permis. Les voies autres qu’orales, injections, suppositoires, pommades, spray ne posent par contre aucun problème.
Les raisons des interdits alimentaires
La seule justification avancée par la Bible concernant les animaux est « de séparer le pur de l’impur » (Lv 11:47). Une preuve parmi tant d’autres que la Bible, livre sacré chez les juifs, les chrétiens et les musulmans, véhicule une conception raciste. Ce concept de la pureté est clair dans les deux versets suivants:
Vous serez pour moi des hommes saints. Vous ne mangerez pas la viande d’une bête déchiquetée par un fauve dans la campagne, vous la jetterez aux chiens (Ex 22:30).
Vous ne pourrez manger aucune bête crevée. Tu la donneras à l’étranger qui réside chez toi pour qu’il la mange, ou bien vends-la à un étranger du dehors. Tu es en effet un peuple consacré à Yahvé ton Dieu (Dt 14:21).
Sur Internet, un rabbin écrit à propos des interdits alimentaires: « L’éviction des animaux impurs doit donner à l’homme une pureté de l’esprit, sensible dans ses pensées, ses paroles et ses actions ». Ce document ajoute: « La définition des animaux impurs émane de la seule volonté du Créateur. Elle ne se préoccupe ni avec des critères sanitaires, ni des qualités nutritionnelles ».
Cela n’a pas empêché certains d’avancer au cours des siècles, des explications, notamment pseudo-médicales, aussi nombreuses que peu vraisemblables, à but apologétique: Dieu sait ce qui est bon pour nous et la meilleure preuve de cette bonté est que les aliments interdits sont mauvais pour la santé. Ainsi Maïmonide écrit que « tous les aliments que la Loi nous a défendus forment une nourriture malsaine ». Il explique que le porc est interdit parce qu’il « est malpropre et qu’il se nourrit de choses malpropres… Si l’on se nourrissait de la chair des porcs, les rues et même les maisons seraient plus malpropres que les latrines, comme on le voit maintenant dans le pays des Francs ». Quant aux graisses des entrailles, elles « sont trop nourrissantes, nuisent à la digestion et produisent du sang froid très épais; c’est pourquoi il convient plutôt de les brûler ». En ce qui concerne la distinction faite entre les animaux ruminants à sabots fourchus et les autres animaux, et entre les poissons ayant des nageoires et des écailles et les autres poissons, il estime que ces différences sont des signes « qui servent à faire reconnaître la bonne espèce et la distinguer de la mauvaise ».
Certains pensent que les nombreuses règles visaient à encourager le végétarisme. On fait remarquer que deux rébellions contre Moïse sont liées directement au désir de consommer de la viande (Ex 16:3 ; Nb 11:20). Dieu n’a permis la consommation de la viande qu’en raison de la faiblesse humaine. On estime aussi que le végétarisme empêche les êtres humains de s’attaquer les uns les autres comme les animaux. Philon d’Alexandrie estime que l’interdiction de manger des animaux féroces vise à ce que les hommes ne se comportent pas comme eux.
On a aussi cherché des raisons historiques. Ainsi l’interdiction du porc aurait été édictée par le fait qu’il s’agissait d’un animal sacrificiel (voir Is 65:3-5, 66:3 et 17), qu’il était un animal sacré, l’incarnation du Dieu Attis en Asie mineure, et identifié à Osiris et Seth chez les Égyptiens, ou qu’il était l’emblème de la légion romaine en Palestine. Ces hypothèses prouvent que l’interdiction du porc était en réaction aux rites païens ou pour des raisons politiques. Après avoir expliqué la raison hygiénique de l’interdiction de manger de la viande cuite dans du lait, Maïmonide avance l’argument que cette interdiction pourrait aussi être liée au fait qu’on en mangeait dans une certaine cérémonie idolâtre, ou à l’une des fêtes des païens. Il invoque ici le fait que cette interdiction figure à côté du précepte relatif au pèlerinage (Ex 23:17-19).
Les interdits alimentaires entre loi et pratique
Il ne semble pas que les interdits alimentaires aient toujours été observés par le passé. Mais les milieux religieux juifs ont toujours insisté sur ces interdits. Isaïe fulmine d’ailleurs contre ceux qui violent ces interdits: « Ceux… qui mangent de la chair de porc, des choses abominables et du rat, d’un même coup finiront, oracle de Yahvé, leurs actions et leurs pensées » (Is 66:17). Ézéchiel dit que « depuis mon enfance jusqu’à présent, jamais je n’ai mangé de bête crevée ou déchirée, et aucune viande avariée ne m’est entrée dans la bouche » (Ez 4:14). Le premier livre des Maccabées dit que du temps du roi grec de Syrie Antiochus Épiphane il y avait un mouvement juif qui voulait s’intégrer aux autres nations et abandonner les lois religieuses. Ce qui provoqua la colère des milieux juifs. Un des aspects de cette assimilation est l’abandon de la circoncision et des interdits alimentaires. Mais « plusieurs en Israël se montrèrent fermes et furent assez forts pour ne pas manger des mets impurs. Ils acceptèrent de mourir plutôt que de se contaminer par la nourriture » (I M 1: 62-63. Voir aussi II M chap. 6 et 7). On lit dans le livre de Tobie: « Lors de la déportation en Assyrie, quand je fus emmené, je vins à Ninive. Tous mes frères, et ceux de ma race, mangeaient les mets des païens; pour moi, je me gardais de manger les mets des païens » (Tb 1:10-11).
Dans les temps modernes, les juifs réformés n’insistent pas sur les interdits alimentaires. Lors du congrès de Pittsburgh (nov. 1885) les juifs réformés ont déclaré: « Les lois alimentaires viennent d’époques et d’idées totalement étrangères à notre état mental et spirituel… Les observer de nos jours contribuera à diminuer plutôt qu’à encourager une élévation spirituelle moderne».
Mais les juifs orthodoxes et conservateurs continuent toujours à prêcher et à appliquer ces normes. Chaque fois qu’elles le peuvent, leurs autorités religieuses n’hésitant pas à recourir à des moyens coercitifs usant de leur privilège de délivrer des certificats de pureté. Ce que nous avons vu à propos des 2.4 millions de litres de lait, que les fermiers israéliens ont dû jeter parce que manipulés par des non-juifs, se produit dans tous les domaines de l’alimentation, de la restauration et de l’hôtellerie. Dans certains pays, ces autorités ont le monopole, reconnu par l’État, de la certification de pureté, sur laquelle elles perçoivent une taxe.
Dans le prochain article, nous parlerons des interdits alimentaires chez les chrétiens, et ensuite des interdits alimentaires chez les musulmans.
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