Moubarak était soutenu par l’Occident par peur des islamistes, notamment les Frères musulmans, mouvement fondé par Hassan Al-Banna en 1928, et qui a des ramifications dans la plupart des pays à majorité musulmane, ainsi que dans de nombreux pays ayant une minorité musulmane. Maintenant que le tyran est tombé, quel sera l’avenir de l’Égypte et des autres pays musulmans?
L’Égypte est un pays musulman sous Moubarak
On se fait des illusion si on pense que l’Égypte sous Moubarak était un pays laïque. Dans ce pays l’article 2 de la constitution, aujourd’hui suspendu par l’armée, affirme:
L’Islam est la religion de l’Etat dont la langue officielle est l’arabe; les principes de la loi islamique constituent la source principale de législation.
Les discriminations contre les non-musulmans se manifestent dans différents domaines: en matière du droit de la famille, du droit successoral, de la liberté religieuse, de la liberté de culte, de l’accès aux fonctions publiques, etc… Et ces discriminations ne sont que le résultat direct de l’article susmentionné. D’autre part, le système éducatif pré-universitaire et universitaire est hautement imbibé d’enseignement intégriste, non seulement dans le cadre des cours de religion, mais aussi dans les autres matières, notamment les cours de langue arabe. Cette matière d’ailleurs ne peut être enseignée que par des musulmans, même dans les écoles privées chrétiennes, alors que les coptes forment un dixième de la population, selon certaines estimations non officielles. Donnons un exemple de l’intégrisme dans l’enseignement universitaire: les manuels universitaires enseignés tant aux musulmans qu’aux non-musulmans affirment qu’un chrétien ne peut épouser une musulmane, alors que le musulman peut épouser une non-musulmane. Celui qui quitte l’islam est séparé de sa femme et de ses enfants parce qu’il est considéré comme apostat méritant la peine de mort (même si cette sanction n’est pas prévue par le code pénal égyptien).
Certes, le pays n’applique pas les sanctions pénales prévues par le droit musulman (lapidation, amputation de la main et du pied du voleur, flagellation, œil pour œil, dent pour dent, mise à mort de l’apostat, etc…). Mais ces sanctions constituent une revendication majeure des Frères musulmans exprimée dans plusieurs projets de lois que le régime en place a écartés. Et c’est probablement dans ce domaine que les craintes sont les plus fondées en cas d’accès des Frères musulmans au pouvoir, ou en cas d’une présence massive dans le parlement.
Les troubles interconfessionnels en Égypte ont été nombreux sous Moubarak. Il suffit ici de mentionner l’attentat devant l’Église copte à Alexandrie au début de cette année et qui a fait plusieurs morts et blessés. Ces troubles sont institutionnels, produits directs du système légal égyptien qui met des entraves discriminatoires à la construction des lieux de culte non-musulmans et interdit la liberté religieuse. Certains n’hésitent pas à voir la main du régime dans ces troubles, l’attentat en question étant actuellement attribuée au Ministre de l’intérieur en personne sous Moubarak.
La bataille fait rage autour de l’article 2 de la constitution “L’Islam religion de l’État”
L’article 2 de la constitution égyptienne susmentionné est la cause principale des problèmes dont sont victimes les non-musulmans en Égypte, mais aussi dans d’autres pays du fait que la constitution égyptienne a inspiré de nombreuses constitutions arabes. Les Frères musulmans d’ailleurs invoquent cet article pour accentuer l’islamisation de l’Égypte. C’est la raison pour laquelle plusieurs groupes de défense des droits de l’homme exigent la suppression de cet article. Avec la suspension de la constitution égyptienne, et la demande des jeunes qui ont renversé Moubarak de faire une nouvelle constitution, le contenu de cet article a d’ores et déjà commencé à être débattu.
Dans une émission du 13 février 2011 de la chaine de télévision Al-Jazeera intitulée “Al-shari’ah wal-hayah” (le droit musulman et la vie), animée par le cheikh Youssef Al-Qaradawi, la question de la suppression de la mention de l’islam comme religion de l’État a été abordée de façon directe. Al-Qaradawi estime que la nation égyptienne dans ses deux composantes musulmane et chrétienne est unanime depuis 1923 (date de la première constitution) que l’islam est la religion de l’État. Par conséquent elle ne peut être supprimée. Une telle affirmation est fausse. En effet, les coptes n’ont jamais cessé de réclamer la suppression de la mention de l’islam en tant que religion de l’État. On trouve aussi des musulmans qui s’y opposent.
Un État en effet ne peut être musulman. L’Islam a cinq pilliers: l’attestation de la foi, la prière, l’impôt religieux, le jeûne et le pèlerinage. Or, l’État ne remplit aucun de ces actes religieux, actes qui sont les faits de personnes. L’État est une entité administrative qui doit veiller à la bonne marche de la société, et non pas à déterminer qui est musulman et qui ne l’est pas. Mettre un tel article dans la constitution n’a aucun sens… à moins que son but ne soit de discriminer les gens sur la base de la religion … comme c’est le cas sous Moubarak et les régimes qui l’ont précédé. Or ceci est contraire à la constitution elle-même qui affirmer l’égalité de tous les citoyens.
La révolution égyptienne est la révolution des jeunes de facebook. Si cette révolution a mis fin au pouvoir du tyran, elle se poursuit actuellement sur le plan idéologique, notamment en ce qui concerne l’article 2 de la constitution. Un grand nombre de groupes facebook ont commencé à fleurir, dont une bonne partie réclame la création d’un État civil, sans mention de la religion dans la constitution. On ne parle pas d’État laïque, du fait que la laïcité est considérée par les milieux religieux musulmans comme équivalent à l’athéisme, mais d’État civil. D’autres groupes facebook prennent le défense de l’article 2, et certains vont jusqu’à exiger que l’article 2 devienne l’article 1 de la constitution, insistant sur le maintien de l’islam en tant que religion officielle de l’État égyptien.
Nous donnons ici un échantillon de ces groupes facebook qui méritent l’attention des chercheurs en sciences des religions, en sciences politiques ou en droit:
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