Les milieux religieux musulmans dans les pays musulmans souhaitent que le droit musulman régisse tous les domaines en tant que droit divin.
Ils souhaitent par exemple la suppression du code pénal actuel pour le remplacer par un code pénal musulman comportant des normes contraires à la tendance de l’humanisation des sanctions et du respect de la liberté religieuse : amputation de la main du voleur, lapidation pour le délit d’adultère, application de la loi du talion en cas d’homicide, de coups et blessures, mise à mort de l’apostat, etc. Mais la liste des normes musulmanes à réhabiliter risque d’être encore plus longue : interdiction du travail de la femme, interdiction de la musique et du cinéma, démolition des statues, imposition de lajizyah (tribut) pour les non-musulmans et exclusion de ces derniers du parlement. Et pourquoi pas le retour à l’esclavage ? Cette institution ne manque pas de nostalgiques.
Le Cheikh Salah Abu-Isma’il, parlementaire égyptien (décédé en 1990), défend le retour à l’esclavage pour les femmes ennemies qui tombent prisonnières dans les mains des musulmans. Il explique que les musulmans peuvent décider dans ce cas soit de les libérer sans ou avec contrepartie, soit de les tuer, soit de les réduire à l’état de captives esclaves. Si on décide de réduire une femme à cet état, elle devient la propriété d’un homme en vertu des normes du droit musulman, et son propriétaire a le droit d’attendre qu’elle ait ses règles pour s’assurer que son ventre n’est pas occupé par une grossesse provoquée par un autre homme (sic). S’il voit qu’elle n’est pas enceinte, il a le droit de cohabiter avec elle comme un mari à l’égard de sa femme. Si cette esclave met au monde un enfant et que le père meure, elle est héritée par son fils à titre de bien. Mais comme une mère ne peut être la possession de son fils, cette captive devient libre.
Al-Mawdudi (décédé 1979), le grand savant religieux pakistanais, défend lui aussi l’esclavage. Répliquant à un auteur qui nie l’esclavage dans l’islam, il dit : « Est-ce que l’honorable auteur est en mesure d’indiquer une seule norme coranique qui supprime l’esclavage d’une manière absolue pour l’avenir ? La réponse est sans doute non ».
Un professeur égyptien, docteur en droit de la Sorbonne, propose un projet de loi en conformité avec le droit musulman qui devrait remplacer les Conventions de Genève. Ce projet précise à son article 202 :
Il ne sera pas tenu compte des coutumes ou des lois internationales dans le domaine militaire si elles sont contraires à un des objectifs du droit musulman (maqasid al-shari’ah) ou violent l’un de ses textes.
Le projet distingue entre un pays qui est conquis sans guerre en vertu d’un traité de paix et le pays conquis à la suite d’une guerre (article 165).
Si un pays est conquis sans guerre, ses habitants ayant un Livre révélé (Ahl al-kitab) ont le choix entre payer la jizyah (tribut) ou le double de la zakat (impôt religieux) s’ils répugnent à payer la jizyah. Quant à ceux qui n’ont pas de Livre révélé, le chef de l’État est libre de les traiter comme Ahl al-kitab ou leur donner le choix entre l’islam et la mort (article 169 et p. 134-135).
Le projet évoque ensuite les prisonniers de guerre :
Article 191 – Le chef du pays a le droit d’octroyer la liberté aux prisonniers de guerre, de demander des rançons contre leur libération (fida’) ou de les réduire en esclavage (yadrib ‘alayhim al-riq).
Article 192 – Les rançon pour le rachat des prisonniers ou leur asservissement font partie du butin. Les rançons ou les prisonniers asservis sont distribués aux bénéficiaires du butin.
Concernant les femmes captives, la proposition de loi énonce :
Article 194 – 1) Celui qui reçoit une femme captive à titre de butin, il lui est interdit d’avoir des rapports sexuels immédiats avec elle.
2) Si elle n’est pas enceinte, il est interdit d’avoir des rapports sexuels avec elle que lorsqu’elle a eu ses règles une fois. Si elle est enceinte, les rapports sexuels ne peuvent avoir lieu qu’après l’accouchement et la période de purification (nafas).
Article 195 – Celui qui reçoit une femme captive à titre de butin, il lui est permis d’en jouir immédiatement à l’exception des rapports sexuels.
Ces quelques références démontrent, si besoin est, que la demande de revenir au droit musulman est élastique et peut toujours nous réserver des surprises. Après tout, qui a le droit de dire ce qui fait partie du droit musulman et ce qui n’en fait pas, et quelle est la partie de ce droit à appliquer et celle à abandonner ? La réponse à de telles questions dépend des forces en présence et des possibilités de mettre en pratique les idées héritées du passé. Les excès des Talibans en Afghanistan fournissent un exemple vivant.
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