Le fameux Professeur égyptien Khallaf décédé en 1956 écrit: “Les musulmans reconnaissent, à l’unanimité, que les dires et les actes du Prophète Mahomet ou ceux approuvés par lui, dont l’objectif est d’instaurer une loi ou de donner l’exemple et dont la transmission est sûre ou fiable, ont force de loi… Cela veut dire que les prescriptions dégagées de la Sunnah ont force de loi comme celles mentionnées dans le Coran”.
Une telle affirmation, qui se retrouve dans tous les manuels enseignés dans les universités arabes, pose problème du fait que certains dires et actes de Mahomet laissent à désirer. Des musulmans n’hésitent pas pour cette raison à récuser totalement cette source du droit musulman…. C’est ce que nous verrons dans ce billet.
1) Où se trouve la sunnah ?
Les juristes musulmans utilisent le terme Sunnah pour désigner l’ensemble des dires, des faits et des approbations implicites ou explicites attribués à Mahomet. Parfois, on remplace ce terme par celui de hadith, mais celui-ci indique généralement un récit oral.
La Sunnah a été réunie dans de nombreux recueils privés, de longueurs inégales. Contrairement au Coran, ces recueils n’ont pas fait l’objet d’homologation étatique. Sx recueils ont acquis une importance particulière parmi les musulmans sunnites:
– Recueil d’Al-Bukhari (décédé en 870), appelé Sahih al-imam Al-Bukhari ou Al-Jami’ al-sahih. Considéré comme le plus important ouvrage après le Coran, il contient 9082 récits, y compris les doublets.
– Recueil de Muslim (décédé en 874), appelé Sahih al-imam Muslim, ou Al-Jami’ al-sahih. Il comprend 7563 récits.
– Recueil d’Abu-Da’ud (décédé en 888), appelé Sunan Abu-Da’udécédé en Il comprend 5274 récits.
– Recueil d’Al-Tirmidhi (décédé en 892), appelé Sunan Al-Tirmidhi. Il comprend 3956 récits.
– Recueil d’Al-Nasa’i (décédé en 915), appelé Sunan Al-Nasa’i. Il comprend 5761 récits.
– Recueil d’Ibn-Majah (décédé en 886), appelé Sunan Ibn-Majah. Il comprend 4341 récits.
Un des 300 commentaires du recueil d’Al-Bukhari
Les chiites ont leurs propres recueils, dont nous citons:
– Abu-Ja’far Al-Kulayni (décédé en 939): Al-Kafi fi ‘ilm al-din.
– Abu-Hanifah Al-Kummi (décédé en 991): Kitab man la yahduruh al-faqih.
– Abu-Ja’far Al-Tusi (décédé en 1067): Tahdhib al-ahkam.
– Muhammad Al-‘Amili (décédé en 1692): Wasa’il al-shi’ah.
– Muhammad Baqir Al-Majlisi (décédé en 1698): Bihar al-anwar.
Ces recueils sont en langue arabe, mais on trouve des traductions en langues européennes de certains d’eux, y compris sur internet en anglais.
En plus de ces recueils qui collectionnent les récits, il faut signaler les biographies de Mahomet qui constituent une source d’information importante pour mieux comprendre le Coran et la Sunnah de Mahomet. Parmi ces biographies, nous citons notamment:
– Ibn-Ishaq (décédé en 768): Al-Sirah al-nabawiyyah, dont une partie seulement nous est parvenue.
– Al-Waqidi (décédé en 822): Al-Maghazi.
– Ibn-Hisham (décédé en 834): Al-Sirah al-nabawiyyah. Cet ouvrage se base sur celui d’Ibn-Ishaq.
– Al-Tabari (décédé en 923): Khulasat siyar sayyid al-bashar.
2) Analyse de la Sunnah
Un récit, comme une tente, se compose essentiellement de deux parties: l’isnad (ou sanad) et le matn.
L’isnad, littéralement l’appui, est la chaîne des rapporteurs (rawi), canal par lequel le récit est parvenu au dernier transmetteur: A a raconté d’après B, et celui-ci d’après C, lequel le tenait de D, etc. Quant au matn, il constitue le texte même du récit.
Les juristes exigent du rapporteur:
– La capacité de concevoir: elle est reconnue même aux adolescents du fait que de nombreux récits ont pour sources des compagnons de Mahomet en bas âge. Certains mettent comme âge limite cinq ans. D’autres avancent un critère individuel, acceptant le récit d’un conteur qui sait distinguer entre l’âne et la vache. D’autres enfin exigent que le conteur soit en âge de comprendre le sens du message.
Distinguer entre l’âne et la vache pour être crédible
– La capacité de transmettre: le rapporteur doit être musulman, majeur, sain mentalement, équitable et capable de retenir un récit depuis sa réception jusqu’à sa transmission.
Beaucoup de sciences ont été développées par les Musulmans pour vérifier l’authenticité de la Sunnah, dont la science biographique et l’étude de la langue et de la terminologie. La faiblesse de la langue d’un récit, son sens contraire à la raison, voire au bon sens commun et l’exagération peuvent indiquer qu’un récit est inventé. Malgré cela, certains auteurs refusent d’examiner le contenu du récit considérant qu’un récit peut avoir un sens secret que la science n’a pas encore découvert.
3) Sunnah deuxième source du droit
La Sunnah est considérée comme la deuxième source du droit musulman. Dans de nombreux versets le Coran place l’obéissance à Dieu et à son Prophète sur le même pied:
“Quiconque obéit à l’envoyé obéit à Dieu” (4:80).
Les musulmans citent de nombreux récits de Mahomet qui leur imposent le devoir de suivre ses ordres et d’imiter son exemple:
“Je vous ai laissé deux choses après lesquelles vous ne serez jamais dans l’erreur: le Livre de Dieu et la Sunnah de son Prophète”.
On ajoute que si l’on accepte que Mahomet soit le Messager de Dieu, il est inconcevable de ne pas croire à son message. Nier le recours à la Sunnah serait mettre en doute l’infaillibilité de Mahomet.
L’infaillibilité est définie comme “la force qui empêche l’homme de commettre le péché et de tomber dans l’erreur”. Les juristes musulmans fondent l’infaillibilité de Mahomet et des autres prophètes sur différents versets coraniques:
Votre compagnon ne s’est ni égaré ni fourvoyé. Il ne parle pas sous l’effet des désirs. Ce n’est qu’une révélation qui est révélée (53:2-4).
4) Fonction de la Sunnah
– Confirmer des normes contenues dans le Coran : il s’agit ici d’une simple reprise des normes coraniques. C’est le cas des récits qui affirment le caractère obligatoire de la prière, de l’aumône légale, du jeûne et du pèlerinage, et ceux qui condamnent le polythéisme, le faux témoignage, l’assassinat et la désobéissance aux parents.
– Expliciter le sens de certaines normes coraniques : le Coran prescrit la prière, mais sans préciser les heures, les préparatifs et les modalités. Ces éléments sont fixés par la Sunnah.
– Restreindre: le Coran prévoit de couper
la main du voleur (5:38). La Sunnah est venue préciser que l’amputation doit se faire au poignet.
– Spécifier: le Coran accorde au fils une part dans l’héritage, mais la Sunnah est venue en exclure le fils qui intente à la vie de son ascendant.
– Établir des normes non prévues par le Coran : elle prévoit la lapidation en cas d’adultère et la mise à mort pour cause d’apostasie, deux sanctions non prévues par le Coran.
5) Sunnah mise en doute
De l’aveu même des auteurs musulmans, la distinction entre les récits authentiques et les récits apocryphes reste une tâche très difficile, d’autant plus que l’on trouve des récits inventés cités par des juristes, des biographes de Mahomet et des commentateurs. De plus, les recueils de la Sunnah ont été écrits 200 après la mort de Mahomet.
Il y a ensuite l’attachement au seul texte du Coran, considéré comme suffisant en soi. Le Coran dit à cet égard:
“Ce jour, j’ai complété pour vous votre religion, et j’ai accompli ma grâce envers vous” (5:3).
“Nous n’avons rien négligé dans le livre” (6:38).
Rashad Khalifa considère que “les récits et la Sunnah n’ont rien à faire avec le Prophète Mahomet et que l’adhésion à ceux-ci représente une désobéissance flagrante à Dieu et à son Prophète”.
Cliquez sur l’image pour lire son livre Quran, Hadith and Islam
Pour lui les récits de Mahomet seraient des “innovations sataniques”. Ils devraient être rejetés en vertu du Coran qui dit:
“Voilà les signes de Dieu. Nous te les récitons avec la vérité. Après Dieu et ses signes, en quel récit croiront-ils? Malheur à tout pervertisseur, pécheur!” (45:6).
Rashad Khalifa estime que les récits sont des textes falsifiés injustement attribués à Mahomet par le biais de personnes qui ne l’ont jamais vu.
La position de Rashad Khalifa n’a pas manqué de déchaîner contre lui les passions. Il fut déclaré comme apostat et il fut assassiné par un de ses coreligionnaires à la sortie de la mosquée de Tucson le 31 janvier 1990.
Les adversaires de la sunnah (appelés Ahl al-Qur’an, ou les coranistes) ne manquent pas d’arguments. Ils étalent des récits de Mahomet qui suscitent le dégoût et l’indignation – dont nous citerons quelques échantillons ci-après. Ce qui provoque la colère des milieux religieux musulmans. Le chef de file des coranistes, l’Égyptien Ahmed Sobhi Mansour, vit exilé aux États-Unis.
Cliquez sur l’image pour accéder au site des coranistes
Le récit de la mouche
Qutaybah rapporte d’Isma’il Ibn-Ja’far, lequel rapporte de Utaybah Ibn-Muslim, lequel rapporte d’Abu-Hurayrah, lequel rapporte de Mahomet qui aurait dit: “Si une mouche tombe dans votre tasse, plongez-la dans votre boisson car dans une de ses ailes il y a la maladie et dans l’autre, le remède”.
Le récit de l’urine du chameau comme médicament
Un hadith rapporté par Al-Bukhari (2855) et Muslim (1671) affirme que des personnes sont venues à Médine et sont tombées malades avec le ventre ballonné. Le Prophète leur a dit de mélanger du lait et de l’urine de chameau et de boire, et elles se sont rétablies.
Le récit permettant de têter votre collègue de bureau
L’islam interdit à une personne d’être seule dans une pièce avec une autre du sexe opposé, en dehors du mariage ou sans lien de parenté proche. Or, Ezzat Attia et Abd El-Mahdi Abd El-Kader, deux professeurs à l’Université d’Al-Azhar, le plus grand centre de théologie sunnite au monde ont énoncé une fatwa (avis religieux). Selon eux, la femme pourrait désormais enlever son voile et être seule avec son collègue dans un bureau, à condition de l’avoir allaité à cinq reprises, en lui donnant «directement son sein». Ils se basent dans leur fatwa sur un récit de Mahomet.
Le récit du mariage de Mahomet avec une fillette de six ans posant le problème du mariage avec des mineures
Pour certains Mahomet serait un p…., provoquant la colère des musulmans
Récits violents dont le fameux récit “Aslim taslam”: deviens musulman et tu auras la vie sauve
Mahomet a envoyé des messages aux dirigeants de son temps dans lesquels il les “invitait” à devenir musulmans. Ces messages étaient accompagnés de menaces: soit ils acceptent de devenir musulmans, soit ils doivent se soumettre au pouvoir musulman et payer le tribut des vaincus, soit ils doivent s’attendre à la guerre. Et il ajoutait: Aslim taslam: deviens musulman et tu auras la vie sauve. Pas plus tard qu’hier un soi-disant musulman m’a envoyé un message m’invitant à devenir musulman et ajoutant: “Aslim taslam“. On peut lire ce message dans les commentaires du billet 4. Voir la vidéo suivante demandant à Obama de devenir musulman et il aura la vie sauve:
Pour les références, voir mon ouvrage Introduction au droit arabe: droit de la famille et des successions, droit pénal, droit médical, droit socio-économique, Createspace (Amazon), Charleston, 2e édition, 2012, 534 pages Amazon.fr
Les versets du Coran sont pris de ma traduction: Le Coran: texte arabe et traduction française par ordre chronologique selon l’Azhar, avec renvoi aux variantes, aux abrogations et aux écrits juifs et chrétiens.
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