Le spécialiste de l’islam Sami Aldeeb autopsie les versets et les exégèses consacrés à la «takkyah» et à la «zakat». Deux nouvelles démonstrations de l’application au XXIème siècle d’injonctions toxiques nées au VIIe.
Il n’a aucun plaisir à lire le Coran, mais y passe tout son temps. Il l’analyse, l’autopsie, le traduit. L’un de ses buts est de mettre en évidence la dangerosité de textes que les exégètes et l’ensemble des religieux estiment valables pour l’éternité. Sami Aldeeb, spécialiste érudit de l’islam, est héroïque.
Il nous a déjà gratifiés de solides analyses telles «La Fatiha et la culture de la haine» , et «Nulle contrainte dans la religion». Il enchaîne par «Alliance, dissimulation et désaveu», soit la célèbre takkya, et par «Zakat, corruption et jihad», soit l’utilisation de l’aumône. Il relève les traductions diverses et cite des exégètes par ordre chronologique. Je me contenterai de relever les conclusions générales.
Lorsqu’un exégète de l’islam examine un verset, son but n’est jamais de savoir s’il est encore d’actualité, s’il devrait être interprété à la lumière de l’évolution et de l’humanisme. Son seul souci est: que veut dire Allah, quelles autres versets l’éclairent, dans quelles circonstances ce verset a-t-t-il été révélé, qu’a dit le prophète qui le précise? Un type d’interprétation sclérosé depuis un millénaire.
Plongée en apnée…
La dissimulation ou takkya
Dans «Alliance. Dissimulation et désaveu», Sami Aldeeb examine les versets 28 et 29 du troisième chapitre du Coran qui disent ceci:
28. «Que les croyants ne prennent pas les mécréants pour alliés hors des croyants. Quiconque fait cela n’a rien de Dieu, à moins que vous ne les craigniez. Dieu vous prémunit contre lui-même. C’est vers Dieu la destination!»
29. Dis: «Que vous cachiez ce qui est dans vos poitrines ou que vous le fassiez apparaître, Dieu le sait. Il sait ce qui est dans les cieux et la terre. Dieu est puissant sur toutes choses. »
Selon ces versets, les musulmans doivent se méfier des autres et ne pas les prendre pour alliés, sauf s’ils les craignent. Dans ce dernier cas, ils peuvent faire semblant, recourir à la dissimulation, à la ruse.
Ces enseignements empêchent toute cohabitation égalitaire entre religions et justifient les lois discriminatoires qui frappent les minorités non-musulmanes. Jamais dans l’histoire, un pays musulman n’a accordé les mêmes droits à ces minorités.
Une des questions auxquelles doivent répondre les exégètes est de connaitre précisément le sens du verset 28 et à quelles populations il s’applique. Pour le savoir, ils cherchent les causes de cette révélation. L’exploit indépassable des musulmans est d’avoir réussi 200 ans après sa mort, à compiler des milliers d’actes et de paroles de Mahomet selon le principe de l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours…
Dieu allié des croyants, Satan allié des mécréants
C’est dans ces anecdotes parfois abracadabrantes et souvent cruelles, que les exégètes trouvent les circonstances de la révélation de tel ou tel verset. Pour celui qui nous intéresse, par exemple :
(En abrégé.) Deux compagnons de Mahomet tombent entre les mains d’un mécréant qui leur intime l’ordre d’attester qu’il est lui-même (le mécréant) le messager de Dieu. L’un obtempère, l’autre fait le sourd. Le mécréant coupe la gorge de ce dernier. Mahomet conclut que le premier a fait usage de la permission de Dieu: «rien ne peut lui être imputé». Selon une autre histoire, les versets auraient été révélés à propos de Hatib Ibn-Abi Balta’ah, compagnon de Mahomet, et d’autres qui montraient de l’amitié envers les mécréants de La Mecque.
Le Coran dit dans ces versets, sous différentes formes, que Dieu est l’allié des croyants et Satan l’allié des mécréants; que les croyants sont les alliés les uns des autres, tout comme les mécréants sont les alliés les uns des autres. En résumé, la conclusion de ces éminents savants est que les musulmans doivent s’allier et s’aimer entre eux, et ne rien attendre des mécréants. Certains vont jusqu’à interdire de se lever pour eux dans les réunions, parce que cela les anoblit alors qu’on doit les mépriser. Être ami avec eux, même s’ils ne montrent aucune hostilité, est interdit.
Des exégètes vont jusqu’à prôner la haine à leur égard en affirmant qu’«aimer pour Dieu et haïr pour Dieu est un principe fondamental de la foi musulmane». Un cheik contemporain, membre de la plus haute instance religieuse saoudienne, écrit: «(…) j’ai entendu certaines personnes s’affiliant à la science et aux prêches déclarer que les chrétiens étaient nos frères… quelle dangereuse parole!».
Pour ces esprits d’un temps qu’on aimerait révolu, il est interdit aux musulmans de ressembler aux mécréants dans l’habillement, le langage et d’autres comportements; de faire leur éloge et de les défendre; de les employer comme confident et conseiller; de porter leur nom (d’où j’imagine l’adoption d’un nom arabe par les convertis), de participer à leurs fêtes ou de les leur souhaiter.
Mais si le musulman court un danger, aussi bien matériel que physique, il peut recourir à la taqiyyah et dire ou faire des choses que sa religion interdit.
Ce genre d’injonctions est évidemment en complète contradiction avec les valeurs démocratiques, dont l’égalité de tous les citoyens sans distinction de religion ou de croyance. Comme le sont les prières musulmanes qui rejettent 17 fois par jour les chrétiens et les juifs (cf «La Fatiha ou la culture de la haine»).
L’interdiction d’être amis de non-musulmans est toujours d’actualité. Certains se souviennent peut-être du texte posté sur le site de la Mosquée de Lausanne qui rappelle l’interdiction de souhaiter leurs fêtes aux mécréants, en l’occurrence Noël, et traite les non-musulmans d’«ennemis de Dieu». L’imam de cette mosquée, qui n’en était pas à son coup d’essai, était encore interviewé il y a quelques jours par la télévision romande, comme modèle de collaboration avec la police contre les djihadistes. En Suède, un imam de la ville de Gävle animait le site d’une association musulmane qui a reçu 47’000 dollars du gouvernement destinés à combattre «l’islamophobie et le racisme». Le site rappelait l’interdiction d’être ami avec des incrédules et de les aimer.
En Islam, Allah et le prophète ont raison en toute chose pour l’éternité.
La zakat ou aumône
La zakat ou aumône est l’un des cinq piliers de l’islam avec l’attestation de la foi, la prière, le jeûne et le pèlerinage. Le musulman doit payer cette taxe où qu’il soit. Le verset 9:60 fait partie du chapitre le plus violent du Coran dit médinois, qui abroge toute norme contraire révélée auparavant.
Le verset 9:60 indique les bénéficiaires de l’aumône:
«Les aumônes ne sont que pour les pauvres, les indigents, ceux qui y travaillent, ceux dont les cœurs sont à rallier, l’affranchissement des nuques (esclaves), les surchargés de dettes, la Voie de Dieu (l’extension de l’islam), et le voyageur. C’est une imposition de la part de Dieu. Dieu est connaisseur et sage.»
Quelque 40 versets ont un lien plus ou moins étroit avec celui qui énumère ces bénéficiaires. Parmi eux, Aldeeb en examine deux qui concernent particulièrement notre époque: «ceux dont les cœurs sont à rallier» et «la Voie de Dieu».
«Rallier les cœurs» autorise à payer des gens pour les empêcher de quitter l’islam, pour les convertir, pour obtenir le soutien de non-musulmans en faveur de l’islam ou éviter leur hostilité. En clair: corrompre.
Consacrer l’aumône à «la Voie de Dieu», soit à la protection et l’extension de l’islam, permet de mener des guerres, de financer des mouvements intégristes et des groupes terroristes.
Les causes de cette révélation sont peu nombreuses. Exemples: Mahomet est haï par un non-musulman. Le prophète ne cesse de le payer jusqu’à ce qu’il se convertisse, ce qui advient. Dans un autre cas, Mahomet offre 100 dromadaires à 13 personnes pour les rallier.
L’institution de la zakat est toujours enseignée dans les facultés de shari’ah du monde arabo-musulman. Son montant peut s’exprimer depuis un nombre de chameaux jusqu’à des lettres de crédit ou des assurances-vie.
Les organisations musulmanes récoltent cet impôt dans les pays occidentaux aussi.
Nicolas Blancho, leader du Conseil central islamique de Suisse, s’est essayé cette année à faire pression par téléphone sur des musulmans afin qu’ils versent la zakat -fixée à 10 francs par personne- à son mouvement.
L’aumône n’est pas la seule ressource de l’État islamique prévue par le Coran, le butin de guerre en est une autre, soit les biens et les prisonniers qui peuvent être asservis, vendus comme esclaves ou échangés contre des armes.
Zakat obligatoire et zakat volontaire
Les pays arabes ont progressivement adopté le système occidental d’impôt. Mais les savants religieux affirment qu’il ne dispense pas de l’aumône qui doit être utilisée strictement dans les buts prévus par le Coran. Les participants du colloque sur la zakat tenu au Koweit en 1984 précisent qu’elle constitue «la base de la sécurité sociale dans tous les pays musulmans et une source de fonds nécessaire pour accomplir le devoir de propager l’Islam, de faire connaître ses normes au monde et d’aider les combattants en vue de la libération des pays musulmans».
La presque totalité des pays islamiques laissent au musulman la liberté de payer ou de ne pas payer. En Égypte, le produit de l’aumône est versé à la Banque sociale Nassir et l’argent récolté est géré par un organisme de l’université El Azhar. Son montant se situerait entre 10 et 17 milliards de livres égyptiennes. Un pécule sur lequel l’Etat a tenté sans succès de mettre la main en 2002. Notons que l’enseignement de l’université Al Azahr est proche de l’idéologie des Frères musulmans.
Le jihad est un moyen de faire prospérer la Voie de Dieu. Sa définition est devenue floue depuis la chute du dernier califat en 1923. Il est permis de piller, de tuer et de réduire en esclavage les populations. Quant aux prisonniers de guerre, la majorité des juristes estiment qu’ils peuvent être pardonnés, libérés, réduits en esclavage, échangés contre rançon ou asservis par l’imposition d’un tribut (jizya).
Mais sur le fond, sur la légitimité du jihad dans la Voie de Dieu, aucune réfutation n’est avancée, tout au plus une dénégation très générale à l’attention des publics non musulmans. Le jihad demeure ce qu’il a été plus de 1000 ans durant: une guerre destinée à répandre l’islam et à occuper les territoires des mécréants. Une guerre financée notamment par l’aumône, comme le confirment abondamment les exégètes que cite Aldeeb.
Le mode de répartition de la zakat peut tomber sous le coup des lois contre la corruption qui existent dans toutes les démocraties.
Le moyen le plus efficace de lutter contre le terrorisme consiste à assécher ses ressources financières. Depuis que leur sécurité est menacée, l’Arabie Saoudite et les pays arabes du Golfe s’y essaient. Ils soumettent les collectes à autorisation et bloquent certains comptes qui leur sont associés.
Selon Aldeeb, les pays occidentaux pourraient s’en inspirer dans le cadre de la Convention internationale de l’ONU pour la répression du financement du terrorisme. Il estime même que vu la situation créée par l’EI, il pourrait s’avérer pertinent d’interdire, au moins provisoirement, la collecte et la distribution de l’aumône.
Ces deux livres peuvent être commandés sur Amazon sur le site de Sami Aldeeb
Comments are closed.