Situation avant 1874
Avant 1874, les cantons avaient des cimetières catholiques, protestants et juifs, les uns refusant de se faire enterrer chez les autres. Les catholiques, surtout, refusaient d’enterrer dans leurs cimetières les non-baptisés, les apostats, les suicidés, les excommuniés, etc. On retrouve ces normes discriminatoires dans le Code de droit canon de 1917 et de 1983. Les juifs aussi refusaient, et refusent toujours – avec des exceptions -, de se faire enterrer avec les autres. Et si certains permettent d’enterrer un non-juif près de son conjoint juif, ils lui interdisent tout signe ou cérémonie non-juifs. Ils refusent aussi d’y enterrer un juif non circoncis, sauf si on le circoncit après sa mort.
En vertu de cet article, tout décédé, y compris le suicidé et le non-baptisé, a le droit de se faire enterrer décemment, indépendamment de sa religion. Le Conseil fédéral était chargé de veiller au respect de cette décence par les cantons. Il a été appelé à trancher de nombreux cas litigieux entre catholiques et protestants, notamment concernant les non-baptisés, les suicidés et … les sonneries des cloches lors des funérailles. Dans ses décisions, il n’a pas exclu la présence de cimetières privés à caractère confessionnel, cimetières que les cantons pouvaient accepter ou refuser de créer. Mais il aspirait à parvenir progressivement à une unification des cimetières, sans barrière religieuse, estimant “qu’un cimetière commun, sans distinction de confession, était certainement le système le plus conforme à l’égalité des citoyens et le meilleur de tous pour tempérer les contrastes religieux dans la vie”.
Cette volonté d’unifier les cimetières est présente dans le Projet d’une loi fédérale du 24 mai 1880 concernant la sépulture en exécution de l’article 53 de la Constitution fédérale. Mais le Conseil fédéral renonça à ce projet pour éviter de froisser la population, lui préférant des interventions ponctuelles, tout en comptant sur le facteur temps. Aujourd’hui, ni les catholiques ni les protestants ne disposent de leurs cimetières propres. Les seuls qui en ont encore sont les juifs, certains obtenus après 1874. À notre connaissance aucun cimetière juif n’est devenu un cimetière commun. Les non-juifs ne peuvent pas s’y faire enterrer alors que des juifs peuvent se faire enterrer dans des cimetières qui relevaient jadis des paroisses catholiques ou protestantes.
Revendications musulmanes
Le débat sur les cimetières a été rouvert avec la communauté musulmane qui est passée de 16’353 en 1970 à 310’807 en 2000 sans compter les sans-papiers. Cette communauté, invoquant la présence des cimetières juifs, veut remettre en question l’unification des cimetières. Elle est appuyée par la Commission fédérale contre le racisme, des professeurs de droit, d’éminents juristes et juges fédéraux, les Églises catholique et protestante et des responsables politiques qui ignorent tout du droit musulman et ne font souvent que répéter les arguments des musulmans en Suisse, sans vérification. Plusieurs cantons ont déjà cédé aux revendications musulmanes qui ne sont que le prélude à d’autres revendications comme le port du voile et de la burqa, le refus de participation aux cours de natation, le refus de se faire soigner par des non-musulmans, l’abattage rituel, etc.
Lancement d’une initiative pour l’adoption du projet fédéral de 1880
Afin de mettre fin au débat autour des cimetières religieux, je propose aux partis politiques le lancement d’une initiative populaire visant l’adoption du “Projet de loi fédérale du 24 mai 1880 concernant la sépulture en exécution de l’article 53 de la Constitution fédérale de 1874” dont je produis ici la traduction:
Article 1 – L’organisation et la surveillance de la sépulture sont exclusivement de la compétence des communes politiques.
Article 2 – L’enterrement de tous les corps décédés ou trouvés dans le territoire communal aura lieu à la file dans les cimetières publics de la commune ou du quartier communal. Des exceptions ne peuvent être autorisées qu’à l’égard des lieux de sépulture familiaux et des fondations.
Article 3 – Dans les communes connaissant l’usage de sonner les cloches aux ensevelissements, l’autorité communale le prescrira pour tous d’une manière égale et elle est donc autorisée de disposer des cloches des églises à cette fin.
Article 4 – Les confessions ont la faculté de procéder aux célébrations religieuses selon leurs coutumes dans les cimetières dans les limites de l’ordre public.
Article 5 – Là où des lieux de sépulture confessionnels existent actuellement, la séparation confessionnelle peut être maintenue pendant encore dix ans à partir de l’entrée en vigueur de la présente loi; dans tous les autres enterrements, les lieux de sépulture confessionnels sont soumis aux principes contenus dans les articles précédents, ainsi qu’aux prescriptions des autorités locales et communales.
Article 6 – Lors de la création de nouveaux cimetières la séparation confessionnelle disparaîtra.
Article 7 – Les dispositions ultérieures concernant la sépulture, en particulier la réglementation de la propriété, ainsi que des obligations de construction et d’entretien des lieux de sépulture, sont réservées aux cantons.
Article 8 – Les cantons soumettront au Conseil fédéral
les lois et les ordonnances devenues caduques pour qu’il puisse en prendre connaissance.
Article 9 – Les dispositions des lois et des ordonnances cantonales qui contreviennent à la présente loi sont à abroger.
Article 10 – Le Conseil fédéral est chargé conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant les votations populaires sur les lois et les arrêtés fédéraux, de publier la présente loi et de fixer la date de son entrée en vigueur.
Sami Aldeeb
—-
Pour plus de détails sur cette question voir mon ouvrage: Cimetière musulman en Occident: Normes juives, chrétiennes et musulmanes, Createspace (Amazon), Charleston, 2e édition, 2012, 140 pages Amazon.fr, ainsi que mon article: Cimetières en Suisse entre laïcité et respect de la foi
Comments are closed.