Coran : l’abrogeant et l’abrogé … ou la stratégie du caméléon – François Sweydan

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Lorsque les « infidèles » non musulmans font appel aux versets 9:5 et 9:29 pour dénoncer la violence et l’incohérence du message coranique, les oulémas et les imams dans l’embarras font appel à la doctrine arbitraire de l’ « abrogeant » et de l’ « abrogé » présente dans le Coran (s2:106 et s16:101).

Ils ont presque tous pour même réponse qu’ils sont « abrogés », c’est-à-dire qu’ils sont de l’époque pré-Hégire. « Annulés » par d’autres versets médinois post-Hégire plus récents et « abrogeants » (Mansukh) de la Révélation à Muhammad à Médine.

Sinon, dans un déni implacable, ils tentent de nous égarer dans des interprétations de diversion dont ils ont le secret.

Cette stratégie est de l’ordre du mensonge autorisé par le Coran et la charia (taqiyya), puisque ces versets sont souvent de l’époque de l’Hégire/post-Hégire, celle qui a vu agir un Prophète en tant que chef de guerre dans le contexte de la naissance de l’État islamique impérialiste. Cette époque voit l’apparition de la notion du jihad offensif, faussement défensif (voir : Bat Ye’Or (1)).

Elle inaugure une temporalité perpétuellement renouvelée de conquêtes belliqueuses et hégémoniques dont on connaît les méfaits historiques des « futuhât », des guerres saintes dévastatrices et des persécutions séculaires des non musulmans.

Le verset 9:5 dit du « sabre » (H-113:5 chez Sami Aldeeb)

« Une fois écoulés les mois interdits [ou : sacrés], tuez les associateurs où [partout ; conjonction arabe : haythu] que vous les trouviez. Prenez-les [capturez-les], assiégez-les et restez assis aux aguets contre eux. Si ensuite ils sont revenus [se repentent], ont élevé la prière [la salat] et donné l’aumône épuratrice [la zakat], alors dégagez leur voie [laissez-leur la voie libre]. Allah est Pardonneur et très Miséricordieux ».

Le verset du sabre a abrogé tous les versets tolérants comme « Nulle contrainte dans la religion »

Le verset du « sabre » (9:5) a abrogé tous les versets tolérants comme « Nulle contrainte dans la religion » (2:256), et « Celui qui souhaite, qu’il croie ; et celui qui souhaite, qu’il mécroie » (18:29 ; abrogé par les versets H-98/76:30 et H-7/81:29 – Sami Aldeeb, « Y a-t-il un moyen pour faire évoluer l’Islam afin de l’adapter aux droits de l’homme ? »).

Selon les auteurs classiques, ce verset tardif du « sabre » abroge à lui seul un très grand nombre de versets tolérants révélés précédemment, entre 124 et 140 (Sami Aldeeb).

Les imams de France continuent pourtant de les citer régulièrement dans les médias, dans la perspective de la taqiyya : duper et tromper les Occidentaux aussi bien que dans un réflexe de déni et de diversion.

C’est une problématique que refuseront de prendre en compte les relativistes, les penseurs d’un « islam de France », et les islamophiles par méconnaissance, ignorance assumée, mauvaise foi zélote ou dissimulation et déni.

Il en est de même du verset 9:29 (= H-113:29, chez Aldeeb) :

« Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au jour dernier, qui n’interdisent pas ce que Allah et Son envoyé ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux auxquels le Livre fut donné, jusqu’à ce qu’ [conjonction ar. : hata] ils donnent le tribut [versent la capitation] par leurs mains, en état de mépris [après s’être humiliés] ».

Les versets exhortent donc les musulmans qui « professent la religion de la vérité » à combattre les « gens du Livre », juifs (qui ne croient pas au jour dernier), chrétiens (les associateurs), mais aussi païens idolâtres (qui ne croient pas en Allah), à les soumettre dans l’humiliation, à leur imposer la jizia (la capitation), voire à les tuer.

Mais ce n’est pas tout.

Le verset 2:62, sourate de “La Vache” (H-87:62, chez Aldeeb), obscur de premier abord

« Assurément, ceux qui ont cru, les “juifs” [plus exactement « ceux qui ont judaïsé » (al-lazîna hâdû)], les nazaréens et les sabéens, quiconque a cru en Allah et au jour dernier et fait une œuvre vertueuse, aura son salaire auprès de son Seigneur. Nulle crainte pour eux, et ils ne seront point attristés », désigne nommément les protagonistes tantôt admis parmi les croyants et tantôt, ailleurs dans la sourate et dans le Coran, dans l’adversité.

Le Coran utilise le terme nazaréen (nasârâ en arabe), et non pas le terme chrétien (massihi, adepte du Messie).

Dans sa traduction française et chronologique du Coran, Sami Aldeeb a choisi le terme nazaréen, contrairement à d’autres traductions françaises (non chronologiques) consultées :

« Historiquement, le terme « chrétiens » désignait les convertis d’origine païenne et le terme « nazaréens », les convertis d’origine juive » explique Aldeeb.

Nous ne rentrerons pas ici dans la polémique académique de désignation des groupes ethniques et religieux. Cependant, il semblerait que tous les chrétiens sont alors des juifs qui se convertissent en masse à la suite de la prédication des apôtres (rares sont les exceptions, nous précise le Père Édouard-Marie Gallez).

Néanmoins, la religion hébraïque s’est prolongée dans les communautés chrétiennes (par ex. les Assyro-Chaldéens et les Araméens), surtout celles qui ont gardé la langue de Jésus et des apôtres qui devait être l’hébreu – le dialecte araméen de Judée, ou d’autres dialectes judéo-araméens selon la région (Alain Rubin, Jésus sur France 2, meurtre moral contre le Peuple du crucifié).

Retenons que le Coran fait une confusion, ou plutôt une collusion intentionnelle des communautés hébraïques judéonazaréennes (les « nasârâ », groupe ethniquement juif et de dialecte araméen ou syro-araméen) et sabéennes, en les assimilant abusivement à d’autres communautés chrétiennes.

Les sabéens sont les disciples de Jean-Baptiste, qui n’ont pas cru en Jésus, le considérant comme un usurpateur (ils sont encore présents dans le nord de l’Irak et aux USA).

Ceux qui partagent la foi des nazaréens méritent d’être sauvés, à l’exclusion des yahûd voués à l’enfer, et des chrétiens-associateurs.

« Ô vous qui avez cru [les musulmans] ! Ne prenez pas pour alliés [waliy] les juifs et les nasârâ : ils sont alliés les uns des autres. Quiconque parmi vous s’allie à eux serait des leurs. Allah ne dirige pas les gens [al-qawm, tribu] oppresseurs [prévaricateurs] » (s5:51).

À moins de suivre Antoine Moussali et Edouard-Marie Gallez (Le Messie et son Prophète*)– et de considérer le mot « nasârâ » comme un rajout ultérieur par les premiers califes dès Omar, c’est une défiance envers les juifs rabbiniques autant qu’une mise en garde adressée aux arabes contre ce qui restait de l’influence des nazaréens/judéonazaréens pris dans le sens de chrétiens. L’ajout du mot nazaréen est une manipulation du texte, ce que les dernières découvertes en exégèse coranique et en philologie arabe viennent confirmer.

Reste que les juifs rabbiniques qualifiés de « recouvreurs » (koufar) dans le sens d’infidèles, mécréants ou incroyants, et les chrétiens associateurs (mushrikun) sont accusés de polythéisme et largement condamnés dans le Coran.

Point de possibilité d’interprétation pour faire dire au texte le contraire de ce qu’il ordonne.

Les labyrinthes de la contextualité pour évacuer la question des versets violents

Les arguments rhétoriques et exégétique des oulémas et des imams, notamment de France, afin d’évacuer la question de ces versets violents, nihilistes de l’altérité, de nature totalitaire et jetant l’anathème radical, nous égarent dans les labyrinthes de la contextualité, notion chère par exemple à Tariq Ramadan, Tareq Oubrou, Dalil Boubakeur et bien d’autres imams…

Selon l’interprétation contextuelle, il faut comprendre les versets uniquement dans une « herméneutique historique » de l’époque de la Révélation.

À savoir, selon cette interprétation islamique, que les juifs (et les judéonazaréens ?) ainsi que les polythéistes de la tribu arabe de Quraych s’étaient coalisés et avaient contracté un pacte de non agression avec le Prophète et les premiers musulmans.

Mais ils violèrent l’accord et attaquèrent les musulmans par surprise, d’où l’injonction divine de les tuer car ils n’avaient pas respecté leur parole. Sauf que l’interprétation en question est abusive et fausse (voir derniers paragraphes de Un État palestinien ? Oui mais…).

Cette contextualité ne fonctionne pas, comme nous le fait si bien remarquer Raymond Ibrahim :

  • D’abord, le gros problème est que le Coran précise rarement – voire jamais – les antagonistes qui se trouvent dans des sourates entières, ni les incohérences dans la même sourate.

  • Ce n’est pas le cas du Premier Testament, dont la contextualité historique est indéniable et la temporalité spécifiée, d’autant plus que pour juifs et chrétiens, selon le père Antoine Moussali, « la Bible c’est une parole d’homme qui porte la Parole de Dieu » qui fut soumise aux aléas de la condition humaine et de l’histoire ;

  • Dieu ne peut pas ordonner à l’homme le meurtre de son prochain.

Les islamistes prennent abusivement à témoin des versets bibliques et évangéliques dévoyés de leur sens afin de conforter et excuser presque la violence perpétuellement renouvelée du message coranique.

Et contrairement à une inculture générale sur ce sujet, les chrétiens n’ont pas une « religion du Livre » mais d’une personne vivante : Jésus, le Christ.

Et les juifs ont une religion de Parole.

C’est le Coran qui s’est emparé de la tradition abrahamique pour la dévoyer en faisant d’Abraham le « premier des musulmans ». D’où la désignation des juifs et des chrétiens de « gens du Livre » (ahl al-kitâb) les mettant péjorativement dans l’état d’infériorité et de dhimmitude.

La désignation « gens du Livre » par les oulémas de l’islam n’est pas du tout favorable, comme on le soutient communément pour sous-entendre un soubassement commun aux trois monothéismes.

A l’origine, au début du 7e siècle, « gens du Livre » désignait les juifs rabbiniques ainsi que les judéonazaréens, et le « Livre » en question était la Torah et non pas le Coran.

Comme pour de très nombreux symboles judéo-chrétiens, l’islam des origines s’empare d’une notion fondamentale pour en transformer le sens et la retourner contre les juifs, les judéonazaréens et les chrétiens.

Comme le souligne l’historienne Bat Ye’Or, lorsque les chrétiens ont massacré, ce n’est pas par imitation de Jésus Christ. En revanche, lorsque les musulmans égorgent, c’est selon l’exemple du Prophète. Ils font le jihad, la guerre sainte clairement ordonnée par le texte coranique.

Par ailleurs, « Pour les chrétiens, il y a une continuité entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament. Le christianisme naît d’une annonce juive (le Messie) et les titres de créances de la religion catholique sont tous dans l’Ancien Testament. En outre, il y a une matrice de compréhension commune au christianisme et au judaïsme. Cette matrice est la notion d’alliance entre Dieu et son peuple. Cette notion d’alliance n’existe pas dans l’islam. Il n’y a pas l’équivalent dans cette religion de l’alliance passée avec Abraham, Moïse et le Christ. Enfin la prière du christianisme est fondamentalement celle des juifs, c’est-à-dire les psaumes. Il faut rappeler que les écritures juives et chrétiennes sont considérées, dans l’islam, comme des écritures falsifiées » (Alain Besançon, dans Figaro Vox, 22/06/2015).

Les deux conjonctions arabes où, partout dans Coran 9:5 et jusqu’à ce que dans Coran 9:29 suggèrent le caractère perpétuel et omniprésent de ces commandements nihilistes.

Ces versets sont par conséquent à interpréter dans une perspective transhistorique.

La contextualité de l’époque de la Révélation que les oulémas et imams s’empressent d’avancer pour nous duper est donc un subterfuge frelaté.

Une question subsidiaire ultime nous laisse songeur : ce Dieu Allah des musulmans ne serait donc pas omniscient et omnipotent, car il se trompe ou se ravise régulièrement, abrogeant ce qu’il a révélé précédemment ?

« Si nous abrogeons un signe [un verset] ou que nous le fassions oublier, nous en apportons un meilleur, ou un semblable. Ne sais-tu pas qu’Allah est puissant sur toute chose ? » (Coran 2: 106).

Comment Allah s’avise-t-il régulièrement de rectifier ce qu’il a fixé précédemment de toute éternité ? Comment placer l’ « abrogeant » qui a un début et l’ « abrogé » qui a une fin dans l’éternité qui, par définition, est sans commencement et sans fin ?

C’est impossible… à moins de …

À moins de ne pas croire à un Coran révélé de toute éternité, et d’admettre qu’il s’agit plutôt de manipulations humaines, et de cette stratégie du caméléon des premiers califes : Abou Bakr, Omar, Othman, puis Abd Al-Malik, afin d’asseoir leur pouvoir politico-religieux absolu et totalitaire, justifier par un texte sacralisé leur soif de conquêtes, et s’assurer la soumission totale des peuples non musulmans d’Orient.

De nos jours, cette stratégie de duplicité herméneutique et de manipulation des champs sémantiques et des champs lexicaux du Coran est adoptée par les imams pour tromper les infidèles occidentaux, comme les musulmans « soumis » (islam veut dire soumis) à la dictature du déterminisme fataliste dénué de tout libre-arbitre et de toute rationalité objectivée.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © François Sweydan pour Dreuz.info.

Références bibliographiques et liens :

(1) Bat Ye’Or, L’Europe et le spectre du califat*, 2014 [2010].

(2) Sami Aldeeb, Nulle contrainte dans la religion*

Abrogeant/ abrogé, une des clés indispensables pour comprendre l’islam.

Anne-Marie Delcambre, Soufi ou mufti ? : Quel avenir pour l’islam ?*, Desclée de Brouwer, 2007.

Edouard-Marie Gallez, Le Messie et son Prophète*, 2 volumes, Éditions de Paris, 2005-2010.

Olaf, Le grand secret de l’islam*, 2014 ; site : legrandsecretdelislam.com

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