Circoncision pour phimosis et paraphimosis

Deux des raisons invoquées pour justifier la circoncision masculine sont le phimosis et le paraphimosis. Nous exposons ici le débat autout de cette question.

Définition: phimosis et paraphimosis

Le phimosis consiste dans la difficulté à rétracter le prépuce, étant trop étroit, pour faire paraître le gland. Le paraphimosis est le cas où le prépuce étroit se trouve der­rière le gland sans pouvoir le tirer sur ce dernier.

Sources arabes

Al-Zahrawi, le fameux médecin arabe (décédé en 1013), écrit à propos du phimosis:

Les adhérences du prépuce au gland (phimosis) surviennent chez les individus qui ont un prépuce intact, donc chez ceux qui n’ont pas été circoncis; elles ne sont pas toujours le fait de tumeur ou d’ulcération. Il faut dans ces cas, disséquer les adhérences avec un bistouri plat en faisant le tour de la striction jusqu’à la lever entièrement. Lorsqu’on rencontre une petite zone d’adhérence très intime, difficile à séparer, il vaut mieux mordre un peu sur le gland que sur le prépuce qui est une membrane très mince qui se déchire facilement. On interposera ensuite entre gland et prépuce, une fine compresse de lin imbibée d’eau froide, pour éviter le recollement et l’on poursuivra les pansements avec du vin astringent jusqu’à guérison si Dieu le veut.

Le Dr Saïd Mestiri, traducteur d’Al-Zahrawi, commente ce texte comme suit:

On se demande pourquoi, dans les cas de phimosis qui se rencontrent essentiellement chez les non circoncis, il ne préconise pas tout simplement la circoncision dite rituelle ou une opération techniquement proche.

En fait, Al-Zahrawi met en garde contre les opérations chirurgicales non nécessaires du fait qu’elles “peuvent s’accompagner d’hémorragies et souvent de déperditions sanguines considérables et l’on doit garder présent à l’esprit que le sang est le sup­port fondamental de la vie. Les suites sont, dès lors, souvent grevées de complica­tions graves et même mortelles”. Il ajoute: “Votre prudence doit primer sur votre envie et vos désirs. Ne prenez aucune initiative avant d’avoir acquis la certitude qu’elle aura des suites satisfaisantes”.

Le phimosis constitue aujourd’hui l’argument principal pour lequel les médecins occidentaux et arabes pratiquent la circoncision, opération rarement nécessaire, sinon pour la poche du médecin comme on le verra dans la partie sociale.

Ainsi, le Dr Al-Qadiri dit que la circoncision masculine est indispensable pour prévenir et guérir de nombreuses maladies, le phimosis et le paraphimosis étant les deux premières maladies citées. Il signale que ces maladies peuvent dégénérer en inflammation du gland, difficulté à uriner, nécrose et parfois cancer du pénis.

Sources occidentales

Le phimosis a fait l’objet d’énormes débats en Occident et continue encore aujourd’hui à figurer en tête des prétextes invoqués pour pratiquer la circoncision. Mais ce débat part de données anatomiques erronées. Les médecins ont estimé que le prépuce du nouveau-né qui ne se rétracte pas est anormal, peut pousser à la mas­turbation et provoquer de nombreuses maladies. Comme mesure de prévention, ils ont préconisé de le circoncire. Les médecins américains du 19ème siècle faisaient une distinction entre

– le phimosis congénital, pour indiquer une adhésion du prépuce au gland dès la naissance;

– le phimosis acquis, pour indiquer un prépuce détaché qui adhère par la suite au gland en raison, soi-disant, de la masturbation;

– le phimosis hypertrophique ou redondant, pour indiquer un prépuce que le médecin juge trop long.

Au 19e siècle, le Dr américain Lewis A. Sayre (décédé en 1900) a considéré que le prépuce adhérent causait la paralysie, la maladie des joints de hanche, la hernie, la mauvaise digestion, l’inflammation et la paralysie de la vessie, la lourdeur, l’épilepsie et le pied bot. Il a rapporté que la circoncision a pu guérir ces maladies. Des centaines de médecins américains ont publié des rapports sur ces cas à l’appui de ses découvertes. Une année après l’autre, la liste des maladies causées par le phimosis s’est prolongée. Ces médecins ont considéré le phimosis comme la première cause de la masturbation, cette dernière étant vue comme la cause de nombreuses maladies et comportements inacceptables.

En 1881, James Abram Garfield, le 20e président des États-Unis a été assassiné par balle à Washington. Son assassin, Charles J. Guiteau, a été appréhendé et jugé. Les principaux médecins de la nation ont été amenés à l’examiner pour donner leur expertise au procès. Naturellement, on l’a considéré comme fou et il a été pendu le 30 juin 1882. Après sa mort, 22 médecins se sont précipités pour faire l’autopsie et voir la raison de sa folie. Ils se sont concentrés sur son pénis et ont déclaré qu’il était atteint de phimosis. Quant au reste de son corps, il a été considéré normal. Beaucoup de médecins américains ont accepté la conclusion que leur président a été assassiné par un homme atteint de folie provoquée par le phimosis. Dans le passé, le prépuce était accusé de danger pour la santé individuelle et publique. Désormais, le prépuce est devenu un danger pour la stabilité politique du pays.

En juillet 1890, le Dr William D. Gentry a publié un report qui fait le lien entre le phimosis, l’assassinat de Garfield, la criminalité, la folie, et les difformités orthopédiques. Il y affirme que “plus de la moitié des incarcérés et des lunatiques ou maniaques dans les asiles des fous sont atteints d’anormalité dans leurs organes sexuels. La solution qu’il propose est de couper leur prépuce par la circoncision.

Au 20e siècle, le Dr Abraham L. Wolbarst a attribué au phimosis le cancer, la syphilis, le chancre et le cancroïde. Là aussi, la circoncision a été considérée comme le remède miracle. Il fallait donc examiner chaque enfant à la naissance. Si son prépuce ne se rétractait pas, il était considéré comme atteint de phimosis nécessitant la circoncision.

La même conception prédominait aussi en Grande-Bretagne jusqu’en 1949, lorsque le Dr Douglas Gairdner est arrivé à prouver dans un article scientifique que ce qu’on appelait phimosis n’était dans la grande majorité des cas qu’un phénomène naturel, nullement pathologique.

Le Dr Gairdner a examiné la rétractabilité du prépuce chez 100 nouveau-nés. Il a découvert que seuls 4 prépuces étaient complètement rétractiles, 54 étaient partiellement rétractiles, et 42 étaient totalement irrétractiles. Il a démontré que l’étroitesse du prépuce chez la majorité des nouveau-nés n’est pas une situation patho­logique nécessitant une chirurgie. Avec le développement normal le prépuce se sépare lui-même du gland. En étudiant 200 autres enfants jusqu’à l’âge de cinq ans, Gairdner a trouvé qu’à six mois, les prépuces de 80% n’étaient toujours pas complètement rétractiles, mais qu’à trois ans seulement 10% des prépuces n’étaient pas rétractiles. Dans une série d’enfants âgés de deux mois à trois ans envoyés à l’hôpital pour circoncision, Gairdner a remarqué que dans la majorité des cas le pré­puce pouvait être rétracté de force. Mais ceci déchirait le prépuce du gland, pro­vo­quant quelque saignement et parfois des infections. De ce fait, il a déconseillé une telle pratique.

Il a aussi indiqué que tout enfant de moins de cinq ans dont le prépuce n’était pas rétractile doit être accepté comme normal, et qu’en ce qui concerne un enfant de plus de cinq ans, la séparation peut être facilement accomplie sans chirurgie. Il a également signalé que le prépuce sert de protection pour le gland contre les effets de la dermatite ammoniaque, et que si l’enfant est circoncis, il risque de développer une ulcération méatique en raison de l’exposition à l’ammoniaque des couches imbibées d’urine.

Passant en revue les arguments avancés pour la circoncision, Gairdner les a rejetés comme non convaincants et a conclu que le prépuce du jeune enfant doit être laissé dans son état naturel.

Sur la base des découvertes de Gairdner, le nouveau Service national de la santé britannique a décidé de ne plus rembourser la circoncision néonatale, faisant ainsi chuter son taux dans ce pays.

L’étude de Gairdner a été étendue à des enfants plus âgés au Danemark en 1968 par le Dr Jacob Øster. Celui-ci était le médecin scolaire d’une ville danoise où aucun des 1.968 écoliers âgés entre 6 et 17 ans n’était circoncis. Il a effectué au total 9.545 observations et a découvert l’adhésion préputiale chez 63% des garçons âgés de 6 à 7 ans, mais seulement chez 3% des garçons âgés de 16 à 17 ans. Parmi les 95 garçons âgés de 17 ans, il n’y avait pas d’adhésion. Sur l’ensemble des 1.968 garçons, 4 seulement avaient besoin de dilatation préputiale, après quoi tout est entré dans l’ordre, et trois enfants nécessitaient d’être circoncis. Ce qui fait un taux de 0,15%. Øster a estimé que ces trois cas auraient pu être évités s’il n’y avait pas de manipulation injustifiée du prépuce. Il a conclu qu’on devait laisser le prépuce se développer normalement. Avec un peu de patience, les adhésions se résolvent pres­que toujours lorsque l’enfant grandit.

Ces deux recherches, anglaise et danoise, n’ont pas été prises en considération aux États-Unis, où 90% des nouveau-nés dans certaines régions ont été et continuent à être circoncis sous prétexte d’être atteints de phimosis! Elles ont cependant permis aux chercheurs européens et japonais à ne plus diagnostiquer un phimosis par un examen visuel dès la naissance, mais par un examen bactério­logi­que. On a ainsi réussi à redéfinir le phimosis. Le simple fait que l’enfant ait un pré­puce irrétractile qui dépasse le gland n’est plus considéré comme phimosis mais un état normal voulu par la nature, jusqu’à l’âge de cinq ans au moins. Et même après cet âge, l’intervention chirurgicale n’est pas indispensable.

Le paraphimosis

En ce qui concerne le paraphimosis pour lequel les médecins recommandent la circoncision, il faut signaler que cet état est le résultat d’une manipulation erronée du prépuce de l’enfant par les parents ou le médecin. En voulant forcer le prépuce à se rétracter avant son développement naturel, le prépuce se retrouve derrière le gland sans pouvoir revenir en avant. Il peut alors être exposé à une inflammation. Il faut donc agir avec délicatesse pour pouvoir remettre le prépuce à sa position nor­male au-dessus du gland. Généralement l’inflammation guérit avec le temps. Et si le prépuce s’avère trop étroit, provoquant une difficulté à uriner, une fente dorsale peut s’avérer utile. Mais il faut, autant que possible, éviter de circoncire l’enfant pour un tel cas.

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