L’homme, comme l’animal, s’occupe beaucoup de son apparence extérieure pour être accepté par les autres, notamment par le sexe opposé.
Les produits de beauté font partie du budget de chaque ménage. Mais ce que les uns considèrent comme beau, peut ne pas l’être au regard de l’autre. Les exemples ne manquent pas dans ce domaine. Des goûts et des couleurs on ne discute pas. L’appréciation diffère d’une personne à l’autre, d’un lieu à l’autre, et d’une époque à l’autre. Mais à l’intérieur de chaque groupe, on peut déceler des tendances qui peuvent avoir valeur normative. Ceux qui ne s’y conforment pas sont considérés comme marginaux ou anormaux, et peuvent faire l’objet d’ostracisme. Nombreux sont ceux qui se soumettent à des opérations esthétiques coûteuses et douloureuses. Ces opérations concernent toutes les parties du corps. Un article estime qu’en 1997 le nombre des opérations esthétiques effectuées aux États-Unis s’élevait à 700’000, avec une augmentation de 70% par rapport aux quatre années précédentes. Le nombre réel de ces opérations pourrait même être le double de celui estimé. La circoncision tant masculine que féminine est considérée par certains comme étant une opération esthétique.
- A) Circoncision masculine et esthétique
Malgré la pudeur rattachée aux organes sexuels, les humains s’y sont intéressés. Ils en ont fait un objet d’adoration dans différentes cultures. Des peintres et des artistes y ont consacré des travaux. Les hommes se sont aussi occupés de leurs organes pour les rendre plus attrayants et plus érotiques. Al-Nafzawi (décédé en 1324) consacre un chapitre aux moyens d’augmenter les dimensions des petits membres et de les rendre splendides. Le fameux Kama sutra, recueil indien écrit entre le IVe siècle et le VIIe siècle, indique aussi les moyens utilisés par les Indiens pour augmenter le plaisir en élargissant le pénis, l’allongeant ou le perçant. Il y a des techniques médicales utilisées aujourd’hui pour allonger et épaissir le pénis. On pratique de notre temps le piercing sur le pénis ou on y incruste des matériaux. On trouve différentes coutumes relatives à la décoration du pénis chez de nombreux peuples et tribus. Mais nous nous limitons ici à la question de la circoncision.
Les écrits des juifs et des musulmans considèrent le prépuce comme un organe impur qu’il faut couper. On n’y trouve par contre aucune référence à l’esthétique. Mais si on parle avec des juifs et des musulmans, ils indiquent, avec pudeur, que le pénis circoncis est plus beau que le pénis incirconcis. Les revues pornographiques exposent des photos de pénis circoncis, probablement parce que la peau du pénis en érection est plus tendue, et en état de repos le gland est plus visible. Un groupe allemand en faveur de la circoncision masculine donne comme argument le fait que le pénis circoncis est plus beau.
Les opposants à la circoncision contestent que le pénis circoncis soit plus beau que le pénis incirconcis. En fait, l’opération de la circoncision comporte en soi un risque de déformation et laisse des cicatrices qui ne sont pas agréables à voir. De nombreux procès ont lieu du fait que le résultat ne correspond pas aux canons de l’esthétique en vigueur.
A part ces données, on avance le fait que les sculpteurs et les artistes de l’époque grecque, romaine et de la Renaissance aient présenté de préférence le pénis intact, même lorsqu’ils savaient que la personne en question était circoncise. Ainsi, l’enfant Jésus est souvent présenté incirconcis. Il en est de même de la fameuse statue de David sculptée par Michel-Ange (décédé en 1564). Ces sculpteurs et artistes voulaient en fait présenter un corps humain parfait, et non pas mutilé par la circoncision. On signale à cet égard que ceux quirestaurent leur prépuce avancent l’esthétique comme raison de leur choix.
- B) Circoncision féminine et esthétique
Il existe deux conceptions diamétralement opposées de l’esthétique des organes sexuels féminins. Il y a ceux qui les préfèrent étirés, et d’autres, au contraire, les préfèrent amputés.
Au Bénin, les filles âgées de neuf à onze ans sont réunies par camps, en groupe, et commencent à pratiquer le massage et l’élongation des lèvres du vagin avec un morceau de bois taillé. Ces pratiques continuent pendant deux ans, au minimum. On y ajoute un massage extérieur des lèvres pour les épaissir et en favoriser le développement musculaire. On considère les femmes à lèvres minces comme dépourvues de beauté. Dans ce même pays, les milieux musulmans recourent à l’ablation du clitoris et des petites lèvres. On justifie cette pratique comme suit:
Pour la majorité de la population cette pratique est guidée par le souci d’esthétique et de complexe d’infériorité. […] La fille non excisée est indexée et ses camarades se moquent d’elle. […] ce qui peut entraîner le recul des partenaires. Et si elle trouve un mari, elle subit l’humiliation lors des accouchements hors des centres de santé en raison de son clitoris inesthétique.
La circoncision féminine en Égypte a été justifiée par des raisons esthétiques, les femmes de ce pays souffrant d’une hypertrophie du clitoris, selon des théories non confirmées. Cet argument a été aussi utilisé par Ibn-al-Haj (décédé en 1336) pour distinguer entre les femmes de l’Orient, lesquelles ont une excroissance, et celles du Maghreb qui n’en ont pas. Par conséquent, seules les orientales devraient, selon lui, être soumises à la circoncision féminine.
Certes, les organes sexuels féminins n’ont
pas tous la même forme. Mais les études sur le terrain ne confirment pas certaines exagérations liées à un groupe ethnique ou national déterminé. Probablement la description du médecin arabe Al-Zahrawi (décédé en 1036) reste la plus proche de la réalité. Il écrit:
Le clitoris peut croître plus que les limites naturelles au point d’avoir une apparence déformée horrible. Chez certaines femmes, il peut se dresser comme l’organe de l’homme et tendre à la copulation. Vous devez saisir l’excédent du clitoris avec votre main ou un crochet et le couper. Il ne faut cependant pas trop couper, surtout dans la profondeur de la base, de peur de provoquer une hémorragie.
Il peut donc y avoir des cas d’anomalie. Mais le problème avec les auteurs musulmans qui soutiennent la circoncision féminine est qu’ils invoquent le critère esthétique pour justifier cette pratique à large échelle, comme si toutes les femmes étaient atteintes de déformation congénitale nécessitant une intervention chirurgicale. Ainsi, le Dr Shahin explique: “La position de l’islam en ce qui concerne la femme dans ce domaine précis est d’ordre esthétique. Si le clitoris dépasse la limite du raisonnable et de l’admissible, il perd son aspect esthétique”.
Évidemment, ceux qui sont opposés à la circoncision féminine rejettent l’argument de l’esthétique. Pour eux, l’opération esthétique tend à rendre à un organe un aspect naturel en supprimant ce qui est déformé ou excédent. Or, disent-ils, la circoncision féminine consiste à amputer un organe sain, naturel, et à le déformer.
Signalons ici que ceux qui pratiquent la circoncision pharaonique trouvent le vagin cousu et lisse esthétique. Mais Koso-Thomas estime le contraire. Quant à Al-Tajani (décédé en 1309), il fait l’éloge du vagin charnu et grand et dit que les arabes l’ont préféré au petit vagin chétif.
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