Les sociétés modernes ont perdu l’esprit de clan qui règne dans les tribus, mais cet esprit a été récupéré par les médecins qui imposent leur domination notamment dans les hôpitaux de l’armée. C’est ce qui relève de l’observation de l’évolution de la circoncision dans un pays comme les États-Unis.
Dans ce pays, la hausse du taux de circoncision masculine et féminine a coïncidé avec l’augmentation du nombre des médecins et le déplacement des naissances de la maison à l’hôpital. Au début du 20ème siècle, moins de 5% des enfants naissaient dans les hôpitaux. Dans les années 20, ce taux est monté à 30%, voire 50% dans les grandes villes. Dans les années 1930, il a oscillé entre 60 et 70%. Dans la même période, le taux de circoncision a augmenté pour atteindre 50%. En fait, tant que l’enfant naît à la maison, les parents doivent suivre toute une procédure pour le faire circoncire, ce qui leur laisse le temps de réfléchir. Mais si l’enfant naît à l’hôpital, tout est prêt pour le circoncire par un médecin qui règne en maître. L’enfant n’a d’ailleurs pas été la seule victime du médecin. On a assisté à l’augmentation des opérations césariennes et des périnéotomies. A y ajouter aussi le phénomène de l’allaitement artificiel.
Avec la naissance à l’hôpital, au lieu d’être pratiquée à différents âges, la circoncision est devenue une opération néonatale standardisée faite au début dans la salle de maternité immédiatement après la naissance, et ensuite transférée dans une salle séparée pour que l’enfant ne sente pas le froid. Ce qui a facilité la pratique de la circoncision à la chaîne, loin des yeux des parents. Avec le développement des assurances, les médecins se sont sentis encore plus libres de circoncire, étant sûrs qu’ils recevront leurs honoraires; d’autre part, les parents avaient moins de raisons pour objecter puisqu’ils ne couvraient plus les frais eux-mêmes.
On remarquera à cet égard que la circoncision s’est surtout répandue dans les classes aisées et moyennes, celles justement qui se rendaient dans les hôpitaux pour la naissance. Et lorsqu’on a commencé à mettre en question le système des naissances dans les hôpitaux et l’allaitement artificiel, le taux de circoncision a connu une baisse.
Les médecins n’ont pas exercé leur influence seulement à travers les hôpitaux, mais aussi à travers les ouvrages médicaux à caractère populaire qui jouent un rôle important dans un pays étendu aux relations familiales faibles comme les États-Unis. Les familles consultent facilement ces livres pour les problèmes qu’elles rencontrent avant de visiter un médecin. Ces livres leur transmettent la culture ambiante, favorable à la circoncision. Ainsi, le fameux Dr Spock conseillait aux parents de circoncire leurs enfants jusqu’en 1976, date à laquelle il a changé complètement de position. Pendant 30 ans, il a été la référence pour des millions de familles américaines.
Les médecins ont aussi exercé leur influence à travers les revues spécialisées que les opposants à la circoncision masculine accusent de partialité. Le Dr Fleiss accuse ces revues d’avoir négligé les règles scientifiques et d’avoir choisi des rapporteurs acquis à la cause de la circoncision. Il compare les auteurs américains qui cherchent à prouver l’infériorité du pénis incirconcis avec les auteurs nazis qui cherchaient à prouver l’infériorité de la race juive. Les deux groupes doivent être considérés comme suspects du fait qu’ils servent des intérêts politiques et économiques.
On signale à cet égard que les médecins américains qui travaillent dans l’armée ont largement contribué à la diffusion de la circoncision masculine aux États-Unis. Ils estimaient qu’elle sauvegardait la santé des soldats et les gardaient aptes au combat. Ils imposaient la circoncision sous peine de tribunal martial. Ils soumettaient les soldats à des inspections imprévues et circoncisaient ceux qui ne l’étaient pas. Même ceux qui ont pu échapper à cette opération ont subi l’influence théorique de ces médecins et ont circoncis par la suite leurs enfants. Pendant la guerre froide, l’hystérie de la circoncision dominait l’esprit américain. Un des arguments en sa faveur avancés par les revues médicales et populaires était qu’elle est nécessaire pour se préparer à la guerre et au service militaire.
Encore aujourd’hui les familles américaines pensent que la circoncision est une condition pour entrer dans l’armée alors qu’aucune loi ne le prévoit. Romberg donne le témoignage de nombreux soldats qui ont été circoncis de force lors de leur admission dans l’armée. Un médecin explique ce comportement par le fait que l’armée voulait offrir des possibilités de s’entraîner aux nouveaux chirurgiens. Or, dans les hôpitaux militaires, il existe de nombreux lits inoccupés. D’autres estiment que la circoncision visait à habituer le soldat à la violence. En le mutilant, il devenait plus agressif et plus enclin à blesser et à tuer autrui sans sentir leur douleur.
Selon des informations sur Internet, 15% des jeunes italiens qui rejoignent l’armée se font circoncire gratuitement par les médecins militaires. Et lorsqu’un soldat se laisse circoncire, d’autres le suivent par contagion.
Signalons que la circoncision est presque obligatoire dans l’armée turque. Un jeune arménien turc a pu obtenir l’asile politique en Allemagne parce qu’il craignait d’être soumis de force à cette opération.
Mais si l’armée est un facteur de diffusion de la circoncision masculine aux États-Unis, elle a été un frein à la circoncision féminine en Érythrée. Dans la guerre d’indépendance, les jeunes filles avaient rejoint les rangs du mouvement de libération qui était contre la circoncision féminine. Du fait qu’elles étaient éloignées de leur milieu familial et villageois, elles ont pu échapper à la circoncision. Cette pratique a repris de plus belle après l’indépendance de ce pays où 90% des femmes sont circoncises. On a abaissé l’âge auquel elle est pratiquée pour faciliter la maîtrise de la fille.
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