Circoncision: Le recours à l’anesthésie pour réduire la souffrance

Dans les deux précédents articles, nous avons vu que la circoncision fait mal. Certains y répondent qu’il suffit de recourir à l’anesthésie pour réduire la souffrance, ce qui est en soi un moindre mal, sans pour autant rendre la circoncision légitime. En effet, la circoncision est une atteinte à l’intégrité physique le plus souvent sans justification médicale, et sans le consentement de la victime. C’est donc un crime. Tuer quelqu’un ou couper sa main après l’avoir anesthésié ne fait pas du crime une vertu. Voyons le débat autour de l’anesthésie en lien avec la circoncision.

La circoncision masculine est souvent faite sans anesthésie. Aux États-Unis, en 1994, seulement 4% des obstétriciens âgés de moins de 34 ans utilisaient l’anesthésie pour la circoncision néonatale. Sur la totalité, seulement 14% parmi les obstétriciens utilisaient l’anesthésie contre 20% parmi les obstétriciennes.

Ce qui vient d’être dit s’applique aussi à la circoncision féminine. Dans une enquête égyptienne, 77% des femmes ont déclaré qu’elles avaient subi la circoncision sans aucune anesthésie.

Le non recours à l’anesthésie est dû à plusieurs facteurs: croyance que la circoncision n’est pas pénible pour le nouveau-né, indifférence face à la douleur, ignorance de l’utilisation de l’anesthésie sur un nouveau-né, peur des conséquences. Il faut aussi y ajouter le coût de l’anesthésie: celle-ci devrait être faite par un médecin spécialisé autre que le chirurgien, ce qui réduit la marge du gain. Il n’est pas exclu qu’un penchant sadomasochiste joue aussi un rôle.

Il faut y ajouter les raisons religieuses. Le rabbin Meir Arik de Galicie (décédé en 1926) interdit l’utilisation de l’anesthésie parce qu’il croit que nous devons valoriser la douleur. Les enfants et les convertis au judaïsme doivent se mettre dans la position d’Abraham, expérimentant sa douleur à 99 ans. Ceci peut aussi faire partie du calcul divin de la récompense et du châtiment: le désir de subir la douleur sera récompensé. D’autres avis religieux nient la valeur de la douleur mais maintiennent l’interdiction de l’anesthésie, parfois parce qu’il s’agit d’une innovation que les juifs orthodoxes regardent avec suspicion. On estime aussi qu’une petite douleur est bénéfique pour l’enfant et qu’elle l’immunise.

L’utilisation de l’anesthésie dans la circoncision masculine pose des problèmes pour ses adversaires aux États-Unis. Ils craignent en effet qu’une telle utilisation ne fera que retarder son abolition en faisant taire les critiques basées sur son aspect pénible. On observe à cet égard que la découverte de l’anesthésie vers le milieu du 19e siècle a augmenté le nombre des opérations chirurgicales, dont la circoncision.

L’organisation Infirmières pour les droits de l’enfant a lutté pour l’utilisation de l’anesthésie lors de l’opération, jugeant comme contraire à la déontologie de la permettre sans anesthésie. L’introduction de l’anesthésie est une première étape dans sa lutte pour abolir la circoncision en faisant reconnaître qu’elle est pénible pour les enfants et constitue un acte de torture.

L’ONU, l’OMS et les ONG qui luttent contre la circoncision féminine rejettent toute médicalisation et, par conséquent, toute utilisation d’anesthésie. On craint en effet que l’usage de l’anesthésie perpétue la pratique et prive les opposants d’un argument majeur, celui de la douleur qu’elle provoque. Certains pensent que l’anesthésie pourrait, en plus de la réduction de la douleur, aider à éviter des complications dues aux mouvements de résistance de la fille. Mais d’autres pensent au contraire que l’anesthésie peut donner l’occasion à la circonciseuse de couper une plus grande partie des organes sexuels de la fille.

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