Circoncision: le désarroi des juifs, des musulmans et des autres

La circoncision touche au sexe, à la religion, à une tradition millénaire et à plus d’un milliard de personnes. Un mélange explosif. Il a suffi d’une petite information parue dans la presse pour mettre le feu aux poudres. La voilà reprise du journal leMatin:

Dans un document qui sera discuté samedi, les délégués affirment que «les Verts combattent les mutilations génitales pratiquées sur des filles et des femmes». Puis «la circoncision doit être discutée sans tabous». Pour Diego Hättenschwiler, le Bernois à la base de la proposition, «la circoncision est une atteinte à l’intégrité physique. Elle est beaucoup moins grave que ce qui est infligé aux femmes et ne se place pas sur le même niveau. Mais c’est un sujet dont on a très peu parlé en Suisse. Il faut briser ce tabou et en discuter.»

Cette petite information met tout le monde dans le désarroi, juifs et musulmans en tête.

Combien j’aimerais être présent pour entendre les différentes déclarations et voir les visages des participants à la réunion des Verts! Cela me rappellerait ma première conférence sur la circoncision masculine et féminine donnée à l’Université de Genève. C’était dans le cadre d’un colloque sur les droits des enfants tenu les 30 et 31 janvier 1993, organisé par l’association libyenne Nord-Sud en collaboration avec le Département de sociologie de l’Université de Genève.

Ma conférence était programmée pour la fin du 1er jour. L’assistance était fatiguée et se préparait à partir. Mais à peine ai-je commencé ma conférence, j’ai constaté un certain remous. Des visages souriaient et d’autres se crispaient. À la fin de mon intervention, la moitié de la salle a applaudi et l’autre moitié était enragée. Prenant la parole, le président libyen de l’association Nord-Sud a dit d’un air fâché qu’il lui semblait que l’orateur a oublié l’épisode de Salman Rushdie en s’attaquant aux convictions religieuses d’autrui. Ce à quoi j’ai répondu que je considérais ses propos comme une insulte et j’exigeais de lui qu’il les retire. Mon intention n’était pas d’attaquer les convictions d’autrui mais de défendre les enfants. Voyant qu’une partie de l’audience m’était acquise, le président s’est excusé.

Pour préparer ladite conférence j’avais rencontré le 12 janvier 1992 Mme le Dr Leila Mehra de l’OMS dans son bureau à Genève. À la question de savoir pourquoi l’OMS s’occupe de la circoncision féminine et délaisse la circoncision masculine, elle m’a répondu: “La circoncision masculine est mentionnée dans la Bible. Est-ce que vous cherchez à nous créer des problèmes avec les juifs?” Le même jour, j’ai rencontré à Genève la présidente du Comité inter-africain, Mme Berhane Ras-Work. Je lui ai posé la même question. Étrangement, elle m’a donné la même réponse à la lettre. Ce qui me fait croire qu’elles ont dû se consulter puisque les deux étaient au courant de mon passage dans leurs bureaux respectifs.

C’était le début de mes recherches sur la circoncision masculine et féminine qui ont duré pendant sept ans et ont abouti à la publication d’un long ouvrage en arabe, en français et en anglais. Probablement le plus large ouvrage, toutes langues confondues.

Je comprends parfaitement le désarroi des juifs, des musulmans et des autres. Mettez-vous à leur place:

Interdire la circoncision? Quoi?

– Nous nous sommes donc trompés pendant 3000 ans?

– Abraham qui s’est fait circoncire à 99 ans (c’est précis dans la Bible!), à 80 ou 120 ans (moins précis chez les musulmans!) a donc fait une bêtise? (Rassurez-vous, ce n’est pas la seule!)

– Les rabbins, les cheikhs, les marabouts et autres enturbannés n’étaient donc que des charlatans?

– Les médecins qui ont engrangé des millions nous ont donc trompés?

an> Les législateurs qui ont permis cette pratique barbare par leur silence ont donc été complices de ce crime?

– Les théologiens professeurs d’universités qui sont payés des charrettes par les contribuables sont donc des ignorants qui l’ignorent?

– Nos professeurs de droit qui n’ont jamais parlé de cette pratique à leurs étudiants n’étaient donc pas au courant?

– Toutes ces souffrances et ces cris des enfants ont été donc inutiles?

Eh oui… au risque de vous décevoir. Vous vous êtes fait avoir. Mais ce n’est pas une raison de continuer la même erreur. Vaut mieux tard que jamais.

Invitation aux étudiants: voilà un excellent sujet de thèse de doctorat en droit, en psychologie, en psychiatrie, en sociologie, en médecine, en théologie et en philosophie. Pendant mes sept ans de recherches sur ce sujet j’ai ramassé une grande quantité de livres et de documents que je mets volontiers à leur disposition. Au boulot! Il est temps de se réveiller pour extraire l’humanité de sa barbarie. Ignorer n’est pas un problème tant qu’on cherche à apprendre.

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