“Le loup habitera avec l’agneau, la panthère se couchera avec le chevreau. Le veau, le lionceau et la bête grasse iront ensemble, conduits par un petit garçon […]. On ne fera plus de mal ni de violence sur toute ma montagne sainte” (Isaïe 11:6 et 9).
La société ne peut pas survivre dans l’anarchie, laissant à ses membres la liberté de se comporter comme bon leur semble dans leurs relations avec la communauté et la famille, ou avec eux-mêmes. L’homme ne peut vivre isolé de la société, ou en se montrant rebelle aux normes qui garantissent une cohabitation pacifique à l’intérieur de cette société. Sans de telles normes, la société finit par se désintégrer de l’intérieur.
Afin d’éviter une telle désintégration, la société a établi des normes à caractère légal ou moral qui imposent le respect de la vie et de l’intégrité physique des individus, en précisant les cas dans lesquels il est permis de porter atteinte à ce droit dans l’intérêt de l’individu ou de la société. Ainsi, on permet de couper la main gangrenée pour sauver le reste du corps, et d’exécuter un délinquant qui a commis un délit grave qui menace la sécurité publique. C’est dans ce cadre, que les lois romaines, à titre d’exemple, ont interdit les sacrifices humains offerts aux divinités, ont limité le droit du père de famille de porter atteinte à la vie et à l’intégrité de ses enfants et de ses esclaves, et ont interdit la castration.
L’humanité cependant est restée attachée à ses coutumes et à ses anciens instincts, d’une manière ou d’une autre. Ainsi, malgré le progrès réalisé dans différents domaines, parvenant à marcher sur la lune, à pénétrer l’atome et à transformer le monde en un petit village grâce à Internet, cette humanité persiste à mutiler les organes sexuels des enfants en se drapant dans le manteau de la religion et de la médecine. La loi de la jungle qui régnait dans le passé lointain continue à jeter son ombre sur notre époque, faisant chaque année pas moins de quinze millions de victimes, dont treize millions de garçons et deux millions de filles. Comme dit le proverbe: “Chasse le naturel, il revient au galop”. En effet vous avez beau enseigner à un chat à lire et à écrire, à chevaucher les engins spatiaux et à maîtriser les instruments les plus complexes, mais vous ne réussirez pas à l’empêcher de courir derrière les souris. Et jusqu’à maintenant les paroles d’Isaïe relèvent de l’utopie et des rêves.
L’humanité cependant ne peut pas vivre sans utopie. Personne ne peut l’empêcher de rêver à un lendemain où les enfants, mâles et femelles, vivront en paix, sans qu’on porte atteinte à leurs organes sexuels. Et en vérité, une partie de ce rêve est en train de se réaliser en ce qui concerne la circoncision féminine, mais le chemin pour sa réalisation en ce qui concerne la circoncision masculine reste long et difficile. L’accès à ce rêve est obstrué par des murailles de mensonges et d’intérêts matériels et politiques qui ne peuvent être abattues que par d’énormément d’efforts.
Si nous admettons le droit de l’humanité à rêver, nous devons reconnaître que le mouvement d’opposition à la circoncision masculine et féminine constitue le mouvement de réforme sociale le plus important de notre époque parce qu’il est le plus désintéressé et concerne les membres les plus innocents et les plus faibles de la société. Les participants à ce mouvement le savent parfaitement. Lors du troisième colloque sur la circoncision qui a eu lieu à l’Université de Maryland en 1994, le Pasteur Jim Bigelow haranguait les participants en ces termes: “Nous sommes les pionniers. Avant nous, la barbarie. Après nous, la civilisation”. La barbarie consiste à s’attaquer à des enfants innocents pour mutiler leurs organes sexuels, alors que la civilisation rejette un tel comportement tellement abject.
Certes, ce mouvement ne pense pas que sa tâche est facile et qu’il pourra changer la société en un seul jour. Le système de l’esclavage a nécessité des centaines d’années de luttes, et il en reste encore aujourd’hui des vestiges en Mauritanie et au Soudan, voire dans certains pays occidentaux sous des formes déguisées. Or, l’abolition de la circoncision masculine est bien plus difficile que l’abolition de l’esclavage en raison des forces énormes qui l’appuient, à savoir les trois communautés monothéistes secondées par des troupes de médecins qui y trouvent leur intérêt. D’autre part, les enfants victimes de la circoncision ne peuvent se révolter comme l’avaient fait les esclaves. Ils ne possèdent que leurs cris face à leurs parents, aux communautés religieuses et aux professionnels de la santé. Ces enfants ont besoin de gens désintéressés qui se révoltent à leur place, de gens qui ne se laissent pas aveugler par la religion, ou impressionner par le pseudo-savoir des médecins, ou tenter par le prix du sang.
Chaque personne qui fournit un effort espère que cet effort sera couronné de succès. L’espoir que je souhaite exprimer est que mon effort et l’effort de celles et ceux qui luttent contre la circoncision masculine et féminine aboutisse un jour à l’abolition totale de ces deux pratiques. L’avènement de ce jour-là dépendra du nombre et de la force des lutteurs. De ce fait, j’invite les lectrices et les lecteurs à se jeter dans la bataille. Et que l’on se rappelle que le voyage de mille kilomètres commence par un pas. Mais quelle que soit la longueur du trajet, les générations futures garderont dans leur mémoire le fait qu’il y avait des gens qui ont désapprouvé les mauvais traitements auxquels sont exposés les enfants et qui ont demandé que cessent ces pratiques avilissantes.
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