Circoncision: expérience personnelle

Une grande foule de femmes, d’hommes et d’enfants était massée devant la maison de notre voisin musulman. On distribuait des bonbons pendant que retentissaient, mêlés à des cris stridents d’enfants, les chants des femmes à l’intérieur et à l’extérieur de la maison.

J’ai demandé à mes parents: Que se passe-t-il? Pourquoi les cris des enfants s’élèvent à l’intérieur? Est-ce parce que certains enfants sont privés de bonbons? Ils m’ont alors expliqué que les enfants se faisaient circoncire. J’avais cinq ans. Je venais d’assister à une circoncision sans en comprendre le sens en raison de mon âge et de mon appartenance à une famille chrétienne qui ne circoncit pas ses enfants. J’en garde encore le souvenir malgré les années et les distances qui me séparent de cet événement: une fête où certains se réjouissent alors que d’autres pleurent!

En 1993, j’ai donné ma première conférence sur la circoncision à l’invitation de l’association libyenne Nord-Sud dans le cadre d’un colloque sur les droits de l’enfant organisé en collaboration avec le Département de sociologie de l’Université de Genève. À la fin de mon intervention, la moitié de la salle a applaudi alors que l’autre moitié était enragée. Prenant la parole, le président libyen de l’association Nord-Sud a dit qu’il lui semblait que l’orateur avait oublié l’épisode de Salman Rushdie, en s’attaquant aux convictions religieuses d’autrui. Ce à quoi j’ai répondu que mon intention n’était pas d’attaquer les convictions d’autrui mais de défendre les enfants. Voyant qu’une partie de l’audience m’était acquise, il s’est excusé.

Le 7 août 1994, pendant que se tenait la conférence de l’ONU sur la population et le développement au Caire, la CNN a diffusé un film sur la circoncision d’une jeune fille par un barbier du Caire. Ce film a provoqué des ondes de choc dont les milieux politiques, religieux et intellectuels égyptiens ne sont pas encore remis. Il s’en est suivi des prises de positions contradictoires au sein des hautes autorités religieuses musulmanes. Ces positions contradictoires étaient doublées d’une autre contradiction non moins choquante. En effet, la conférence de l’ONU, tout en condamnant la circoncision féminine, a gardé le silence sur la circoncision masculine. Aucune ONG n’en a parlé et la CNN s’est bien gardée de faire un parallèle entre la circoncision féminine et la circoncision masculine. Or, aux États-Unis, environ 3’300 enfants subissent quotidiennement la circoncision masculine. Ceci m’a intrigué. Pourquoi s’acharne-t-on à condamner la circoncision féminine sans pour autant dénoncer la masculine?

En juillet 2002, j’ai visité un centre d’études aborigènes à l’Univer­sité de Brisbane, Australie. Je souhaitais avoir des informations concernant la circoncision masculine et féminine dans cette com­munauté. Le directeur de ce centre, Michael Williams, et sa vice-directrice, Mme Jackie Huggins, tous deux aborigènes, ont refusé de me répondre en prétextant qu’ils n’avaient pas le droit de divulguer des informations concernant leurs lois religieuses et qu’ils tomberaient malades s’ils le faisaient. Selon eux, leur loi religieuse passe avant la liberté de recherche académique.

Partout, on est confronté à une loi du silence entourant ces pratiques qui mutilent pourtant chaque année 15 millions de garçons et de filles. De­puis 1993 je n’ai cessé de me battre, par mes conférences, mes écrits et mes interventions à la radio et à la télévision, afin de rompre cette loi. Et aujourd’hui, je reprends ma plume en vue de mobiliser les lectrices et les lecteurs contre ces deux pratiques primiti­ves et barbares.

Voir mes livres sur la circoncision en différentes langues dans https://www.sami-aldeeb.com/livres-books/

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