On parle beaucoup ces jours-ci d’une campagne contre l’excision (circoncision féminine), en nous montrant des fillettes africaines soumises à cette torture épouvantable. On oublie cependant que cette pratique a aussi existé et probablement continue à l’être parmi les blancs en Occident.
La 1ère mention de clitoridectomie (excision du clitoris) en Europe est celle faite à Berlin en 1822. Le Dr Gustav Braun a eu recours à cette chirurgie à Vienne pour une courte période dans les années 1860. Mais l’Angleterre a été le seul pays européen où la clitoridectomie a été largement pratiquée entre 1858 et 1866, notamment par le Dr Isaac Baker Brown.
Ce dernier présidait la Medical Society de Londres. Il a fondé un hôpital privé, le London Surgical Home qui a reçu 3417 visites de médecins de partout dans le monde pour observer ses techniques. Certains y sont revenus plus d’une fois. Dans les neuf années de fonctionnement, avec 20 chambres et 34 lits, il est possible qu’il ait pratiqué plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de clitoridectomies.
Le Dr Brown cherchait des solutions chirurgicales à des désordres mentaux chez les femmes. Le principal accusé était la masturbation, laquelle causait, selon lui, huit problèmes, commençant par l’hystérie, l’irritation de la colonne vertébrale et culminant avec la manie et la mort. Le soin pour ces problèmes était la clitoridectomie. En mars 1866, il a publié un petit ouvrage intituléThe curability of certain forms of insanity, epilepsy, catalepsy and hysteria in females. Un compte-rendu dans le Church Times a fortement recommandé le livre et a demandé au clergé de prendre les paroissiennes épileptiques, notamment les pauvres, pour observation médicale afin qu’elles subissent cette opération.
Probablement par jalousie, l’establishment médical britannique a pris pour cible le Dr Brown, niant les prétendus effets thérapeutiques de la clitoridectomie et la traitant de charlatanisme. Le 3 avril 1867, le Dr Brown a été expulsé de l’Obstetrical Society. Le 21 avril 1867, il a démissionné de la présidence de la Medical Society, et le 3 août 1867, il a démissionné de son hôpital. Il est tombé malade et il est mort en 1873 dans le dénuement.
Mais si la clitoridectomie a vite disparu en Angleterre, elle a connu un essor aux États-Unis. Une revue médicale américaine en faisait mention en 1866, en se référant au Dr Brown qui soulageait l’épilepsie et autres maladies nerveuses chez les femmes. Au début des années 1870, deux chirurgiens américains notoires, J. Marion Sims et Horatio Storer, ont combiné la clitoridectomie avec l’oophorectomie (enlèvement des ovaires). Il n’existe pas de registres du nombre de telles opérations, mais il est estimé à plusieurs milliers. Cette opération combinée a été arrêtée vers l’an 1880, mais la clitoridectomie a continué à être pratiquée à large échelle jusque dans les années 1890. Sa popularité n’a pris fin que vers les années 1910, du fait qu’elle n’avait pas réussi à soigner l’hypersexualité et la masturbation. On relève cependant qu’un manuel américain à l’intention des confesseurs catholiques de 1940 recommandait la cautérisation ou l’amputation du clitoris comme traitement pour le vice de lesbianisme. La clitoridectomie a été en vogue aux États-Unis pendant environ 50 ans. On y a pratiqué aussi, entre les années 1880 et 1937, l’amputation du prépuce clitoridien, sans toucher au clitoris.
L’excision continue à être pratiquée aux États-Unis de nos jours, mais en tant que moyen d’augmenter le plaisir.
Le Dr Rathmann, un médecin juif, a publié en 1959 un article en faveur de l’excision dont “la valeur pour améliorer la fonction a été acceptée par différentes cultures durant les 3500 ans passés”. Il propose de couper le prépuce des femmes avec un appareil qu’il a inventé pour rendre leur clitoris plus accessible en cas de phimosis. En outre, il propose de réduire le clitoris surabondant. A part ces deux indications, il estime que l’excision est utile dans les situations suivantes:
1) Si la patiente est adipeuse, une excision peut être indiquée bien qu’elle ait peu de défaut anatomique.
2) Si le mari est particulièrement maladroit ou difficile à éduquer, il faut parfois rendre le clitoris plus facile à trouver.
3) Si le clitoris est petit et difficile à toucher, une excision peut le rendre plus accessible.
Il signale qu’il avait pratiqué l’excision pendant 15 ans. Sur la base de 112 questionnaires remplis, il estime qu’on peut s’attendre à une amélioration dans 85% à 90% des cas. Il rapporte le cas d’une femme âgée de 34 ans qui avait divorcé cinq fois avant de venir à sa clinique. Il a découvert qu’elle avait un clitoris surabondant et un phimosis, et n’avait jamais connu l’apogée du plaisir. Après l’avoir circoncise, elle s’est remariée avec son dernier ex-mari et n’avait plus de problèmes sexuels. Elle affirme qu’elle a gaspillé quatre autres maris parfaitement bien.
On trouve aussi des plaidoyers en faveur de l’excision aux États-Unis dans un article de 1973 du Dr Wollman, un chirurgien gynécologue à Maimonides Hospital, et dans un livre de 1975 du Dr Burt intitulé La chirurgie de l’amour. Les publications populaires américaines étaient aussi en faveur de cette pratique.Playgirl a publié en octobre 1973, un article intitulé L’excision pour les femmes la plus douce de toutes les coupures, suivi en mai 1975 d’un article intitulé Une chirurgie à 100 US$ pour une vie sexuelle à un million de dollars. Cette revue a publié en octobre 1975, une lettre de remerciement d’un médecin dans laquelle il dit avoir fait cinquante opérations de ce genre et que “probablement 10 à 15% de toutes les femmes peuvent en profiter sexuellement”. En novembre 1976, Cosmopolitan a publié un article décrivant les opérations faites le plus fréquemment pour améliorer les réactions sexuelles. L’excision figura
it en tête de la liste avec la réclame qu’elle pourrait profiter à 10% de toutes les femmes qui ont un clitoris non coopératif.
Wallerstein estime dans son livre publié en 1980 qu’entre 2000 et 3000 excision sont pratiquées annuellement dans les hôpitaux des États-Unis. Il indique que ce chiffre doit être multiplié par 50 en ce qui concerne les opérations dans les cliniques privées des médecins.
Sur Internet, on trouve deux lettres de deux américaines ayant profité, sur le plan sexuel, de l’excision qui consistait à réduire le prépuce pour faire apparaître le clitoris. Toronto Globe and Mail a publié le 10 novembre 1998 un article concernant un médecin canadien, Dr Stubb, qui pratique une fois par mois depuis 12 ans l’excision sur des femmes venant de l’Amérique du Nord. Cette opération consiste à réduire les petites lèvres et l’ouverture du vagin pour des raisons esthétiques et pour augmenter le plaisir. Cette opération coûte entre 1500 et 2500 dollars. Une femme dit: “J’ai un inconfort physique lors des rapports sexuels et je sens un pincement lorsque je vais à bicyclette ou à cheval”. “Il s’agit d’une autre exploitation de l’image du corps”, dit Marsman, un thérapeute sexuel basé à Toronto. “Mais il y a des femmes qui veulent fortement cette chirurgie à tel point qu’il est difficile de dire qu’elle n’est pas un droit pour elles”.
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