Profitant du sentiment religieux de leurs coreligionnaires, des musulmans ont entrepris la création de banques dites islamiques qui ne pratiqueraient pas les intérêts, interdits par le Coran. Le pionnier dans ce domaine fut Ahmed El-Naggar qui avait étudié en Allemagne et avait créé avec l’aide du gouvernement allemand en juillet 1963 dans le village égyptien de Mit Ghamr une caisse d’épargne sans intérêts sur le modèle des caisses d’épargne allemandes.
Les banques islamiques ont drainé des sommes énormes estimées à 1000 milliards de dollars en 2010, et qui constituent un manque à gagner aux banques conventionnelles tant dans les pays musulmans que dans les pays non-musulmans. Certains estiment que 40 % à 50% de l’épargne des musulmans sera gérée par la finance islamique d’ici 8 à 10 ans, contre 10 % vers 2007. Et comme le dit bien l’expression française: “Paris vaut bien une messe”, mots attribués à Henri IV lors de la conversion au catholicisme qui lui permit d’accéder au trône de France. Les pays occidentaux se sont mis à leur tour à autoriser la création de banques islamiques sur leur sol, et les banques conventionnelles de type occidental tant dans les pays musulmans que dans les pays occidentaux ont ouvert des guichets offrant des opérations bancaires supposées conformes au droit musulman.
Cet engouement de la part des Occidentaux est considéré par les auteurs musulmans en général comme la preuve que les normes musulmanes sont capables de gérer la société en tout temps et en tout lieu. Mais il y a aussi ceux qui y voient une manière de tromper et d’attirer les clients musulmans.
Si aujourd’hui l’Occident ouvre ses bras aux banques islamiques, des autorités religieuses musulmanes sont plus que sceptiques. Le cheikh libanais Al-Alayli (décédé en 1996) estime que la querelle relative aux intérêts est une tromperie sur les mots (khida’ al-alfaz) menant à des difficultés insolubles. Selon lui, la banque est un intermédiaire, un courtier entre deux parties, l’une prête l’argent et l’autre emprunte. Or, le contrat de courtage est permis en droit musulman. D’autre part, la banque intermédiaire est soumise à la perte et au gain; on ne peut donc considérer le terme fawa’id (intérêts) comme synonyme du terme riba (usure) que le Coran interdit.
Muhammad Sayyid Tantawi, Grand Mufti égyptien et aujourd’hui grand Imam de l’Azhar, signale que les gains distribués par les banques musulmanes et les intérêts distribués par les banques classiques ne diffèrent que dans le nom. Afin de résoudre le problème posé par l’interdiction des intérêts, il propose de créer une commission chargée de revoir les termes utilisés par les banques afin d’écarter tout soupçon d’intérêts. Il faudrait, d’après le Grand Mufti, abandonner le terme fa’idah(intérêt) et le remplacer par le terme ribh (gain) ou celui de‘a’id (revenu). Son avis a été suivi par le ministre de l’économie et du commerce qui a changé la formulation de la loi dans ce sens.
On signalera ici qu’au début du 20ème siècle, le gouvernement égyptien avait créé une caisse d’épargne dans le cadre de la poste afin que les pauvres puissent y déposer leurs surplus. 3000 de ces pauvres ont cependant refusé de toucher les intérêts sur leur argent. Consulté, l’Imam Rashid Rida proposa alors de présenter ces intérêts comme un gain réalisé dans le cadre d’un contrat de mudarabah (contrat en commandite).
Un article d’un musulman paru dans la presse canadienne n’hésite pas à qualifier les banques islamiques de tromperie et de malhonnêteté. Il écrit: “Au nom de l’islam, la tromperie et la malhonnêteté sont pratiquées alors que les musulmans ordinaires sont amenés à penser que leur interaction avec les principales banques est non islamique et pécheresse. … Si les banques islamiques étiquètent leurs hamburger Mecca Burger, et utilisent toujours les mêmes ingrédients qu’un hamburger McDonald, est-ce vraiment différent en subtance?”
Pour plus de détails, vous pouvez lire mon article: Les intérêts et les banques en droits juif, chrétien et musulman
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